Après les élections législative, référendaire et présidentielle, des plus contestées en Guinée, le paysage politique se redessine. Autrefois multicolore, l’Assemblée nationale est devenue aujourd’hui presque monocolore. Elle est largement dominée par le parti au pouvoir, le RPG-ARC-EN-CIEL. Ce n’est pas la seule nouveauté dans cette nouvelle 9ème législature.
L’institution chef de file de l’opposition a aussi changé de camp. Elle est désormais dirigée par l’homme d’affaires doublé de politique, Mamadou Sylla, qui a obtenu quatre députés lors des dernières législatives, boycottées par une frange importante de l’opposition. Reconnu en tant que chef de file de l’opposition au lendemain de la présidentielle du 18 octobre, le président de l’Union Démocratique de Guinée (UDG) a constitué son cabinet où il travaille avec des leaders politiques qui avaient boycotté pourtant toutes les élections de 2020. Bah Oury et Faya sont les derniers à rejoindre les rangs dans le but comme il l’a dit lui-même de “s’opposer autrement”. Baadiko et Fodé Mohamed Soumah eux, avaient déjà été coptés par Sylla.
Si aujourd’hui les portes de toutes les institutions lui sont ouvertes, Mamadou Sylla reste cependant confronté à une fronde interne à l’Assemblée nationale. Certains de ses collègues élus au Parlement refusent de le voir jouir de son rôle de chef de file de l’opposition, étant donné, selon ses détracteurs, qu’il a accompagné le président candidat Alpha Condé lors de la présidentielle du 18 octobre.
Ce n’est pas tout. Mamadou Sylla se heurte aussi à la reconnaissance de son statut par les grands partis de l’opposition notamment l’UFDG de Cellou Dalein, l’UFR de Sidya Touré et le PEDN de Lansana Kouyaté, tous des anciens Premiers ministres. Pour ces entités politiques, il est hors de question d’apporter une quelconque reconnaissance à Mamadou Sylla en tant que chef de file de l’opposition, alors qu’elles n’ont pas participé à ces élections et ne reconnaissent pas non plus les élections qui ont abouti à la formation de l’actuelle assemblée nationale ayant permis au président Condé de s’octroyer un 3ème mandat.
A quoi peut-on s’attendre dans l’avenir ?
Plusieurs scénarii sont possibles. Soit Mamadou Sylla -par orgueil et opportunisme politiques- tourne complètement le dos aux principaux leaders de l’opposition, pour faire cavalier avec des leaders de moindre envergure en vue de bénéficier des faveurs du pouvoir. Ce qui est fort probable, en tout cas eu égard aux positions tranchées entre le camp Sylla et celui des autres leaders, bien que non formellement constitué en bloc.
L’autre option, très peu probable, sauf changement de dernière minute, au regard des violations répétées des droits de l’homme et des arrestations arbitraires, c’est la mise en place d’un front uni de l’opposition plurielle, qui fera face au pouvoir, en vue de lui mettre la pression, et l’amener à changer de fusil d’épaule.
Un cas de figure, très peu probable, on ne le dira jamais assez ; puisque tous les trois grands partis mentionnés ci-haut n’ont pas souhaité rencontrer le nouveau chef de file de l’opposition qui n’en est pas un aux yeux de Dalein, Sidya et Kouyaté. C’est pourquoi, ayant le soutien du pouvoir et un budget d’un demi milliard de francs guinéens par mois, le président de l’UDG serait plutôt tenté de faire cavalier seul avec sa compagnie, jouissant de son statut de « géant de circonstance », sans savoir jusqu’à quand.
Oubliant peut-être que le plus important et pour le pays dans la situation actuelle, c’est une union sacrée face à un pouvoir qui écrase tout sur son passage. Y compris ceux qui pour des raisons avouées ou non, opèrent un virage à 180 degrés, en faisant les yeux doux au locataire de Sékoutoureyah.