par Edouard Husson.
Panique à la Chancellerie : devant l’opposition qui montait au reconfinement quasi-complet du pays pour Pâques, Angela Merkel a dû reculer. Elle s’est excusée publiquement. Mais cela n’a pas suffi pour apaiser le Parlement. Lors d’une séance de questions à la chancelière mercredi 24 mars en début d’après-midi, l’opposition a bruyamment réclamé son départ.
Tout a commencé par la stupéfaction le 23 mars au matin. L’Allemagne s’est réveillée en découvrant que la Conférence des Ministres-présidents, qui décide régulièrement avec la chancelière de l’aménagement des mesures de précaution sanitaires avait décidé du confinement le plus strict depuis le début de l’épidémie. Les magasins seraient strictement fermés dès le Jeudi Saint et jusqu’au lundi de Pâques inclus. Les offices religieux seraient inaccessibles au public. Et les déplacements de vacanciers interdits. L’opinion publique s’est d’autant plus enflammée contre l’autoritarisme de la chancelière et des chefs d’exécutif régionaux que la vaccination progresse très lentement. Il est loin ce printemps de 2020 où la chancelière était félicitée pour sa bonne gestion de la crise du COVID 19.
Panique à la Chancellerie et chahut au Bundestag
Toute la journée d’hier, les ministres-présidents ont été confrontés à des critiques très dures dans leurs Länder respectifs. En particulier les Chambres de Commerce et d’Industrie ont fait valoir le coup qui serait porté à la croissance avec l’arrêt complet de l’activité pour les commerces durant une période de grande fréquentation. Les Églises aussi ont fait savoir comme elles étaient mécontentes de se trouver mises devant le fait accompli, alors même qu’elles n’avaient cessé tout au long de l’épidémie de prendre des précautions. La chancelière a eu aussi des remontées des fédérations locales de la CDU soulignant que le confinement prévu ajouterait encore à la débâcle électorale des dernières élections régionales (en Bade-Wurttemberg et en Rhénanie-Palatinat) au scandale des masques et à la baisse continue du parti dans les sondages. Alors que la succession de Madame Merkel devait être « un long fleuve tranquille », les deux prétendants, Armin Laschet, ministre-président de Rhénanie du Nord-Westphalie et Markus Söder, ministre-président bavarois, commencent à être inquiets. Et ceci d’autant plus qu’ils sont eux-même partie prenante de la décision de reconfinement.
Du coup la chancelière a décidé qu’elle ne pouvait pas laisser la situation s’envenimer. Elle a présenté publiquement ses excuses : « Une erreur doit être appelée une erreur et, plus important encore, elle doit être corrigée et si possible à temps » a expliqué sentencieusement celle qui naguère imposait sa volonté sans consulter ses concitoyens. Et d’ajouter : « Je sais que cette proposition a provoqué une incertitude supplémentaire, je le regrette profondément et pour cela je demande pardon à tous les citoyens ». Panique, épuisement psychologique après seize ans à la tête de gouvernement, tentative de connaître un dernier regain de popularité dans les six mois qui lui restent à la Chancellerie : tous ces motifs se mélangent pour expliquer une déclaration étonnante de la part d’une femme politique qui n’a jamais reconnu les grosses erreurs qui jalonnent sa période au pouvoir : de la désastreuse sortie de l’énergie nucléaire en 2011 à l’absence de leadership sur l’Union européenne en passant par la catastrophique ouverture des frontières à un million de migrants entre septembre et décembre 2016.
Pourtant, l’auto-critique n’a pas suffi à l’opposition, qui, lors d’une séance de questions ce 24 mars en début d’après-midi au Bundestag a ouvertement réclamé que la chancelière pose la question de confiance à sa majorité. L’AfD conservatrice, la Gauche socialiste et les Libéraux ont tous eu le même message, bien résumé par le président du FDP libéral, Christian Lindner dans un tweet : « La chancelière ne peut plus être certaines du soutien total de sa majorité. La question de confiance au Bundestag serait recommandée pour voir dans quelle mesure le gouvernement a encore les moyens de son action ».
La procédure pour remplacer un chancelier est compliquée en Allemagne puisqu’il faut qu’une majorité des deux tiers présente un candidat de remplacement. Cependant les derniers mois de Madame Merkel à la Chancellerie ressemblent de plus en plus à un chemin parsemé d’obstacles.