Le 7 avril marque le début des commémorations du génocide des Tutsis au Rwanda. C’est cette année le 27e anniversaire du début des massacres. Anniversaire particulier en France : il y a douze jours, la commission Duclert remettait à Emmanuel Macron son rapport sur le rôle de la France pendant et avant le génocide. Si la commission a écarté la complicité de génocide, elle estime que la France porte des « responsabilités lourdes et accablantes » dans cette tragédie. Ce rapport marque une étape importante dans la normalisation des relations entre Paris et Kigali.
Si le rapport Duclert marque une avancée, les relations compliquées entre la France et le Rwanda n’ont pas attendu ses conclusions pour se réchauffer. Certes, il n’y a toujours pas d’ambassadeur de France au Rwanda, mais le gouvernement d’Emmanuel Macron a multiplié les gestes envers Kigali et s’est engagé sur des actions concrètes de coopération culturelle et économique, avant une éventuelle future normalisation diplomatique.
« Le rapport Duclert va accélérer une normalisation déjà en cours depuis plusieurs années », explique une source diplomatique. A Kigali, le réchauffement entre la France et le Rwanda est déjà bien visible, explique notre correspondante dans la capitale rwandaise, Laure Broulard. Le chantier du nouveau centre culturel francophone, environ 500 000 euros de travaux, est presque finalisé, prêt pour une ouverture très prochaine, 7 ans après la fermeture de l’ancien institut français dans la capitale rwandaise.
Un représentant de l’Agence francaise de développement s’est installé dans un bureau de l’ambassade de France en septembre 2020, quelques mois seulement après la signature de prêts et de dons entre l’agence et le gouvernement rwandais portant sur 50 millions d’euros. Les premiers accords financiers depuis près de 30 ans entre les deux pays. Et de nombreuses entreprises françaises ont investi au Rwanda l’année dernière, en particulier le groupe Vivendi qui a ouvert une salle de cinéma à Kigali, et y déploie un réseau de fibre optique via sa filiale GVA.
Des avancées accompagnées d’un changement de perception positif de la France par les Rwandais selon une source académique, qui assure que les échanges au niveau de la société civile et de la recherche se sont également accentués entre les deux pays. Enfin, le dialogue diplomatique se serait considérablement développé. Au point qu’Emmanuel Macron pourrait se rendre le mois prochain à Kigali.
Le rapport ne met pas fin au travail, il a l’honnêteté de marquer ses propres limites. Mais pour moi, c’est une brèche extrêmement importante dans ce que j’appelle le déni français. Il faut espérer que cette brèche ne se refermera pas et au contraire, qu’elle va s’élargir. On va pouvoir enfin accéder à un récit consolidé sur le Rwanda.
Stéphane Audoin-Rouzeau, historien et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS)
François Mazet
L’Elysée n’en fait plus mystère : le président français souhaite se rendre à Kigali durant la première quinzaine de mai. Si ce voyage reste conditionné à l’amélioration du contexte sanitaire, Emmanuel Macron veut profiter des conclusions du rapport Duclert pour accélérer la normalisation des relations entre les deux pays.
Visiblement satisfait de la réaction des autorités rwandaises, l’Elysée ne semble pas avoir pris ombrage de la préparation par Kigali d’un autre rapport sur le rôle de la France pendant le génocide. « La question qui se pose n’est pas celle de l’existence de ce rapport, explique-t-on dans l’entourage du président français, mais celle de la convergence des constats et des conclusions » entre les deux études.
Ce déplacement pourrait ainsi avoir lieu avant le sommet consacré au financement des économies africaines, prévu à Paris le 18 mai. Car les deux présidents « souhaiteraient pouvoir se concerter en amont » de ce sommet, précise-t-on à l’Elysée, un rendez-vous dont Paul Kagame est dit-on « un contributeur actif ».
Cette visite à Kigali si elle venait à se confirmer serait la première d’un président français depuis plus de 11 ans. Un déplacement qui selon le palais présidentiel pourrait « ouvrir la voie à la désignation d’un ambassadeur ». Conséquences des tensions passées entre les deux capitales, Paris n’a plus d’ambassadeur sur place depuis 2015.
J’espère que le président de la République va endosser ce rapport et, à Kigali ou à Paris, va prononcer un discours qui institutionnalisera ce document, la responsabilité lourde et accablante de la France. Et pour moi, endosser ce rapport, c’est effectivement présenter des excuses. (…) Il me semble qu’un pays comme le nôtre s’honorerait en reconnaissant ses erreurs…