La France, qui présidera le Conseil de l’UE au premier semestre 2022, souhaite revoir les règles budgétaires communautaires. Un cercle de réflexion rattaché à Matignon plaide notamment pour l’abandon des 3 %.
« Un débat d’un autre siècle. » C’est en ces termes qu’Emmanuel Macron résumait, fin 2019, les contraintes européennes en matière budgétaire – les fameux plafonds de dette et de déficit publics, fixés respectivement à 60 % et 3 % du produit intérieur brut (PIB) depuis vingt ans. « Nous avons besoin de plus d’expansionnisme, de plus d’investissements », affirmait le président de la République déjà, dans un entretien au magazine The Economist, quelques semaines avant que la pandémie de Covid-19 ne frappe l’Europe, dont il soulignait alors « l’extraordinaire fragilité ».
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La France souhaite depuis plusieurs années ouvrir une réflexion sur la pertinence de ces deux objectifs chiffrés introduits par le traité de Maastricht en 1992, et si souvent brocardés par l’extrême droite et l’extrême gauche. Imposés à l’époque en vue de la création de l’euro, ces critères visaient à fixer un cadre budgétaire commun à des économies européennes aux profils très différents.
Bien que leur caractère scientifique discutable ait été souligné par de nombreux économistes, ces normes, dont l’application est suspendue dans le contexte du Covid jusqu’à la fin 2022, n’ont pas été vraiment retouchées depuis leur adoption. C’est la succession de crises et d’injections massives d’argent public qui en a progressivement fait le symbole d’une « Europe de Maastricht » vue comme dogmatique et peu en phase avec la réalité sociale des Etats membres.
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Une petite révolution
La France, qui présidera l’Union européenne (UE) au premier semestre en 2022, compte s’appuyer sur les effets très dispersés de la crise sanitaire en Europe pour ouvrir ce débat très sensible, dont l’issue dépendra sans doute des élections en Allemagne cet automne. Mais pour Emmanuel Macron, le calendrier n’est pas forcément mauvais en année électorale.
« Ce n’est pas absurde de faire de ce sujet un combat à l’occasion de la présidence française de l’UE, souligne Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Derrière le débat technique, il y a une réflexion sur la conception de l’Europe et de l’Etat. Autant les chiffres du déficit et de la dette ne parlent pas aux Français, autant l’articulation entre les injonctions européennes et ce qui relève du rôle de l’Etat, autrement dit la souveraineté, les intéresse ».
Dans cette perspective, des travaux ont été engagés pour faire émerger des propositions, notamment par le Conseil d’analyse économique (CAE), un centre de réflexion rattaché à Matignon. Dans une note publiée mardi 13 avril, l’organisme suggère ainsi de renoncer à l’objectif commun des 3 % de déficit, et de remplacer le seuil des 60 % de dette par un plafond différent pour chaque pays. Une petite révolution en somme.