Spécialiste du Proche-Orient ancien, mondialement reconnu pour avoir révolutionné les recherches sur l’invention de l’écriture, l’ancien directeur des antiquités orientales du Louvre de 1968 à 1988 est décédé le 20 avril, à l’âge de 98 ans.
L’archéologue, historien de l’art Pierre Amiet s’est éteint dans son sommeil, le 20 avril, une semaine avant de fêter ses 99 ans. Né le 29 avril 1922 à Strasbourg, grand spécialiste du Proche-Orient ancien, l’homme élégant, réservé, avait la vivacité intellectuelle et l’esprit de synthèse des grands chercheurs. Sa petite taille et son allure frêle cachaient une énergie considérable et constante au travail.
Inspecteur général honoraire des Musées de France, directeur du département des antiquités orientales du Musée du Louvre de 1968 à 1988, et de la Revue d’assyriologie et d’archéologie orientale jusqu’en 2010, Pierre Amiet est reconnu mondialement, pour avoir révolutionné le contexte de l’invention de l’écriture il y a 5 000 ans en Mésopotamie (Syrie, Irak, Iran). « C’est un des très rares spécialistes de la période proto-urbaine (4000-2500 av. J.-C.) à avoir décrypté le passage de la préhistoire à l’histoire », souligne l’archéologue Pascal Butterlin, professeur en archéologie du Proche-Orient (université Paris-I), directeur de la mission archéologique française de Mari, une des plus anciennes cités sur l’Euphrate, à la frontière Syrie-Irak.
« Une vision humaniste de la science »
Pierre Amiet, comme l’éminente épigraphiste Béatrice André-Salvini, de vingt-cinq ans sa cadette (décédée en décembre 2020), qui avait un rapport presque filial avec lui, aura été un modèle de grand-parent tutélaire pour plusieurs générations de chercheurs et d’étudiants français et étrangers. Œuvrant à diffuser les avancées de la Mésopotamie, où furent inventés l’écriture, l’architecture monumentale, les cités-Etats, la bibliothèque universelle, le code de lois, ces deux savants « avaient une vision humaniste de la science et se montraient très généreux dans la transmission des savoirs », souligne Ariane Thomas, 28 ans. La jeune conservatrice du Louvre leur a succédé, en janvier, à la tête dudit département.
Pierre Amiet aura été un modèle de grand-parent tutélaire pour plusieurs générations de chercheurs et d’étudiants français et étrangers
Spécialiste passionné de glyptique, l’art de graver la pierre, terme employé pour désigner les sceaux-cylindres et les cachets, dont la surface est pourvue d’un décor gravé, Pierre Amiet fait parler les images en les reproduisant au crayon. Excellent dessinateur, il s’approprie l’image par le dessin, il trace ce qu’il voit pour en décrypter le sens. Dans cette aire de civilisation du Proche-Orient, où la concentration des populations et des ressources s’accompagne d’échanges de cultures diverses, Pierre Amiet a eu l’intuition de l’apparition de l’écriture en observant des images de plus en plus complexes, des signes, puis une codification comme système de communication. A partir de l’étude des sceaux de Suse, cité royale, il construit une approche des relations entre l’Iran et la Mésopotamie. « Il travailla la mine inépuisable des empreintes de sceaux, vecteurs importants du système de pensée », insiste Pascal Butterlin.