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(rfi.fr)Inde: il brise le tabou des règles avec des distributeurs de serviettes hygiéniques.

 (rfi.fr)Inde: il brise le tabou des règles avec des distributeurs de serviettes hygiéniques.

À 19 ans, Sobhan Mukherjee bricole un distributeur de serviettes low-cost. Il en a depuis installé 70 dans la ville de Calcutta pour lutter contre la précarité menstruelle. Devenu célèbre, le jeune militant travaille aussi à la reconnaissance des personnes transgenres. Publicité

De notre envoyé spécial à Calcutta,  

C’est un petit distributeur qui n’a l’air de rien mais change la vie des femmes de Calcutta. À l’intérieur, des serviettes hygiéniques de qualité, accessibles à l’unité pour une modique pièce de 5 roupies, soit 5 centimes d’euro. C’est l’un des premiers à avoir été installés dans des toilettes publiques en 2017, dans le quartier de Golpak, au sud de la ville. 

« Un jour, j’ai eu mes règles sans prévenir en sortant de l’université, témoigne Sushmita, aujourd’hui infirmière. Il m’a alors fallu trouver une pharmacie qui avait des serviettes, en acheter un paquet au prix fort alors que j’avais très peu d’argent… Et pour finir, trouver des toilettes adaptées. »Sushmita a depuis entendu parler des distributeurs de serviettes. « C’est une idée formidable, beaucoup de mes copines les ont utilisées. Nous sommes souvent mal éduquées sur nos cycles menstruels, car le sujet reste tabou. Ces distributeurs nous simplifient le quotidien. »

 À lire aussi : Inde: des étudiantes déshabillées pour prouver qu’elles n’ont pas leurs règles

« Padman of Bengal »

Derrière cette initiative, un étudiant au grand cœur de 25 ans : Sobhan Mukherjee. « J’avais rendez-vous avec une amie qui a annulé et m’a expliqué qu’elle devait rentrer parce qu’elle avait ses règles. J’ai alors pris conscience du handicap que cela pouvait poser dans la société indienne et décidé de faire bouger les lignes », raconte-t-il.

Sans grandes ressources, mais motivé, le jeune homme bricole un prototype de distributeur en bois et convainc des élus locaux de le laisser l’installer dans les toilettes publiques. « J’ai acheté 1 000 serviettes pour avoir un prix de gros et simplement posté la photo sur les réseaux sociaux. »

À sa grande surprise, son idée est très vite partagée et fait la une du Times of India. Sobhan est contacté par Akshay Kumar, acteur vedette du film Padman, inspiré du parcours réel d’un entrepreneur qui a milité pour une meilleure prise en charge des règles dans l’État du Tamil Nadu. « Il m’a alors surnommé le “Padman du Bengale” et donné de l’argent pour aller plus loin. »

Avec ce pactole, Sobhan peut construire 30 distributeurs de plus. Son initiative, baptisée Bandhan, fait le tour de l’Inde. Aujourd’hui, il a installé 70 distributeurs dans les toilettes publiques de Calcutta et lancé une application qui les géolocalise. Mais il manque encore d’argent. « Notre philosophie est de ne pas faire de profit sur les serviettes hygiéniques », glisse-t-il. 

Dans les taxis et les bidonvilles

Sobhan explore d’autres modes d’action. Il a lancé un projet pilote dans un bidonville, permettant à des femmes d’acheter des serviettes à bas coût pour les revendre dans les foyers. « J’ai commencé il y a trois mois, explique Tarulata Halder. Cela me permet de dégager des revenus tout en engageant la discussion avec les femmes du quartier, souvent mal éduquées sur leurs menstruations. »

C'est l'un des projets de Sobhan Mukherjee. Ces femmes des bidonvilles revendent des serviettes hygiéniques aupres des foyers pauvres.
C’est l’un des projets de Sobhan Mukherjee. Ces femmes des bidonvilles revendent des serviettes hygiéniques aupres des foyers pauvres. © RFI – Côme Bastin

Son dernier projet en date : proposer des serviettes dans les taxis. Ola, le « Uber indien », refuse d’implémenter son idée. Mais Sobhan a convaincu une trentaine de chauffeurs, dont un ami d’enfance. « Une nuit, j’ai récupéré une femme dans un petit village. Elle avait honte d’avoir ses règles, mais j’ai fermé le véhicule et posé un drap autour des vitres pour son intimité », raconte Abhra Bhadra. 

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Après avoir fini ses études en géographie, Sobhan se concentre désormais à 100% à sa cause. « J’aimerais étendre mon projet au-delà de Calcutta, en particulier dans les plaines rurales de Sundarban, le delta du Gange. Dans les villages, les règles sont encore plus tabous qu’en ville. »

Rendre visible l’invisible

En parallèle, le jeune homme a aussi décidé de venir en aide aux transexuels de la ville, appelés hijras. Cette communauté est majoritairement constituée d’hommes qui s’habillent en sari et dont certains sont engagée dans des opérations de changement de sexe. Bien que reconnue par la religion hindoue, elle est discriminée en Inde. 

« Sur 30 toilettes publiques, nous leur avons réservé un espace et installé un logo pour ce troisième genre, décrit Sobhan, devenu ami avec un hijra lors d’un concours de poésie sur les laissés-pour-compte. J’ai aussi obtenu de la municipalité de Calcutta que des places leur soient réservées sur certaines lignes de bus. »

Sobhan ne se fait pas d’illusions : dans un pays de 1,3 milliard d’habitants, la portée de son action reste limitée. Mais au-delà de l’aide matérielle apportée aux femmes, ou aux transexuels, son objectif est sociétal. « Quand on installe des distributeurs de serviettes, quand on rend visible le troisième genre, dans les toilettes ou les transports, on impose des sujets jusqu’alors invisibles dans l’espace public. »

« En Inde, de nombreuses femmes grandissent encore avec l’idée que les règles sont impures, qu’il ne faut pas aller au temple, ni toucher personne durant cette période, décrit Sushmita. Sobhan aide à faire comprendre qu’il s’agit d’un phénomène naturel et que nous devons être fière de notre corps. »

kadi

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