Par :Frédéric CouteauSuivre8 mn
« Ce journaliste français qui travaille au Mali est apparu dans un enregistrement vidéo anonyme diffusé sur les réseaux sociaux hier, relève, entre autres, le site Sahara Media, indiquant qu’il a été enlevé au Mali début avril. Le ministère français des Affaires étrangères a confirmé l’enlèvement. (…) Dans cette vidéo, poursuit Sahara Media, Olivier Dubois, 46 ans, a déclaré avoir été kidnappé le 8 avril dans la région de Gao par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda au Maghreb islamique, dirigé par Iyad Ag Ghali. Le journaliste était vêtu de vêtements traditionnels, la barbe soigneusement taillée et parlait d’une voix résolue en regardant la caméra. Mais, note encore le site sahélien, les mouvements de ses doigts et de sa jambe reflétaient un peu de tension. »
Le Monde Afrique annonçait pour sa part dans la foulée qu’une « enquête préliminaire pour enlèvement en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste avait été ouverte en France par le Parquet national antiterroriste. »
Il connaissait les risques
Le quotidien français Libération, pour lequel Olivier Dubois travaille, titre ce matin en première page : « Olivier Dubois, journaliste otage »
« Travailler dans la région comporte des risques, pointe Libération. Tous les journalistes spécialistes du Sahel le savent. Olivier en est parfaitement conscient. Fin mars, il avait proposé à Libération d’interviewer de vive voix un chef du GSIM à Gao, dans le nord du Mali. Il dispose de solides contacts dans la sphère djihadiste. Certains d’entre eux se portaient garant de sa sécurité. L’homme qu’il voulait rencontrer, Abdallah Ag Albakaye, est un lieutenant de l’organisation islamiste armée, intermédiaire dans la hiérarchie, actif dans la zone de Talataye. »
C’est sans doute au cours de cette rencontre à Gao qu’Olivier Dubois a été enlevé.
Piège ?
Et Libération de s’interroger : « à quel moment le plan a-t-il déraillé ? Olivier a-t-il été attiré dans un piège tendu par Ag Albakaye ? Ou bien sa présence a-t-elle attisé la convoitise d’un autre chef djihadiste ? Très vite, sa famille, ses amis, le journal, Reporters sans frontière, ont choisi de garder le silence sur sa disparition. Peut-être, pour des raisons logistiques, son interview avait-elle été retardée, voulait-on croire. Peut-être était-il encore l’hôte des djihadistes, et non pas leur prisonnier. Tout bruit médiatique, toute action intempestive de Barkhane risquaient de mettre sa vie en danger. Chaque jour, chaque semaine qui passait éloignait pourtant l’hypothèse d’une “invitation” consentie. La vidéo d’hier vient brusquement briser cet espoir. Et faire éclater la fragile bulle de silence qui l’entourait. »
Le Sahel : trou noir de l’information
« Cette prise d’otage montre à souhait combien cette bande sahélo-saharienne est “médiaphage” », lance pour sa part L’Observateur Paalga au Burkina Faso. « De Ghislaine Dupont et de Claude Verlon de RFI, enlevés puis exécutés en novembre 2013 à Kidal, à Olivier Dubois en passant par les journalistes espagnols et irlandais assassinés le 26 avril à Pama dans l’Est du Burkina, ils sont nombreux, nos confrères à avoir été enlevés ou tués dans ce “Sahelistan” de tous les dangers. Selon Reporters sans frontières, “cette région est presque un trou noir de l’information aujourd’hui”, où disparaissent ceux qui, au péril de leur vie, traquent l’information. Et on a beau très bien connaître les réalités du terrain et avoir organisé précautionneusement, comme Dubois, son expédition médiatique, on court toujours le risque d’être englouti par les sables mouvants de la bande sahélo-saharienne, où derrière chaque dune rôde le danger. »
Ne pas abdiquer
Enfin Ledjely à Conakry s’interroge : « les journalistes peuvent-ils et doivent-ils se détourner du martyr que vivent les populations dans ces zones ? Au nom du principe de précaution, devons-nous ne plus nous intéresser aux assauts sanglants que les hordes djihadistes imposent à ceux qui ont le malheur de se retrouver dans ces localités de non droit ? Si l’on cède à cette peur ambiante, comment l’opinion publique sera-t-elle informée des nombreuses dérives et exactions, auxquelles se livrent tout aussi bien les armées régulières et les troupes internationales qui prétendent lutter contre le terrorisme ? Abdiquer, conclut Ledjely, n’est pas une solution. »