Israël a pilonné dans la nuit de jeudi à vendredi 14 mai la bande de Gaza, avec des frappes aériennes et des tirs d’artillerie. Le Hamas, le mouvement islamiste au pouvoir dans l’enclave palestinienne, a également tiré des roquettes sur le sud du territoire israélien. Le bilan depuis lundi fait état de 119 morts à Gaza, 7 morts côté israélien. Entretien avec Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques et auteur de « Tsahal, nouvelle histoire de l’armée israélienne » (Perrin).
RFI : Israël a massé des chars et des blindés jeudi à la frontière avec Gaza. Peut-on craindre une intervention terrestre ?
Pierre Razoux : On peut toujours craindre une opération terrestre ponctuelle. C’est déjà arrivé par le passé, lors de ces dix dernières années. Ça permet d’éliminer des dirigeants de la branche militaire du Hamas, des centres de production de roquettes, des centres de commandements, des centres de tirs, etc. Mais fondamentalement ça ne va pas résoudre les problèmes de fond. Ça ne permettra pas aux Israéliens de prendre le contrôle de la bande de Gaza, c’est impossible à occuper et (…) il n’y a pas de solution de remplacement autre qu’un pouvoir dur face à Israël, puisque le Fatah de Mahmoud Abbas (président de l’Autorité palestinienne, NDLR) est complètement délégitimé au sein de la population palestinienne.
Le Hamas tire énormément de roquettes sur le territoire israélien, d’où tire-t-il ses armes ?
Il n’y a plus eu d’échanges de tirs massifs depuis la guerre de 2014. Cela veut dire qu’en 7 ans, le Hamas a eu le temps de reconstituer ses stocks et de fabriquer des roquettes. C’est souvent des tubes, de l’explosif, des produits chimiques qui arrivent par des canaux détournés, par des tunnels de la péninsule du Sinaï (…). Surtout, ces roquettes sont fabriquées artisanalement. Il ne s’agit pas de missiles à très longue portée comme ceux détenus par le Hezbollah au Liban ou l’Iran en Syrie. Là, il s’agit de roquettes qui permettent d’atteindre des cibles à Tel Aviv, Beersheva, le sud de Jérusalem. Ce n’est pas le même type de menaces que le Hezbollah ou de l’Iran, l’arsenal du Hamas à Gaza est presque semi-artisanal.
Jusqu’à quand ces opérations peuvent-elles durer selon vous ?
Si d’un côté ou de l’autre, les belligérants franchissent des lignes rouges, par exemple des massacres sur des populations des deux côtés, comme lors des deux dernières intifadas, ça peut lancer une nouvelle intifada qui peut durer longtemps. Mais pour l’instant, je ne crois pas qu’on en soit là. On a vu ces derniers jours la multiplication d’appels du Hamas au cessez-le-feu, la présence de négociateurs égyptiens en Israël pour essayer de négocier un cessez-le-feu. La communauté internationale se mobilise, pas seulement les États-Unis, la Russie et la Chine aussi, pour demander la fin de l’escalade, parce que finalement économiquement ça ne fait le jeu de personne. Et politiquement ça ne fait le jeu de personnes sauf des ultra qui veulent se maintenir au pouvoir de part et d’autre.