Denis Christel Sassou Nguesso, un des fils du président congolais, âgé de 46 ans, vient d’être nommé Ministre de la Coopération Internationale et de la Promotion du Partenariat Public-privé dans le nouveau gouvernement congolais.
Qui est Denis Christel Sassou Nguesso ?
Né le 14 janvier 1975 à Brazzaville, il fait ses études secondaires à l’école préparatoire des cadets de la Révolution de Brazzaville, devenue l’Ecole Militaire Préparatoire Général Leclerc, jusqu’à la classe de première.
Il passe ensuite son bac en France et poursuit des études de droit à Bordeaux. Après l’obtention de sa Maîtrise de droit privé, il se spécialise dans le notariat et devient Clerc de Notaire. Lors de son année de stage, il se rend au Texas. Il s’y forme au trading pétrolier chez Halliburton, une entreprise parapétrolière.
“Kiki le pétrolier”
Après cette expérience, il est recruté en 2001 comme trader par la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), la compagnie pétrolière nationale qui gère les ressources pétrolières de la République du Congo, affecté au bureau de Londres.
Jean-Bruno Richard Itoua, ex-président de la SNPC et Denis Gokana, actuel président et Conseiller spécial du Président Denis Sassou-Nguesso pour les affaires pétrolières, le prennent sous leur aile et le mettent dans les rouages du métier du pétrole.
A son retour à Brazzaville, il est nommé administrateur général de la Cotrade, une filiale de la SNPC spécialisée dans la commercialisation du pétrole, de 2005 à 2009.
Il est nommé directeur général adjoint en charge de l’aval au sein de la SNPC, soit le raffinage et la distribution, et administrateur général de la Coraf (Congolaise de raffinage) de 2009 à 2011.
Ses années dans le secteur du pétrole, qui représente aujourd’hui plus que 50% des recettes budgétaires contre 80% environ avant 2014, lui ont valu le surnom de “Kiki le pétrolier”.
Sur les traces de son père
En 2007, il se lance dans la carrière politique en créant le Pôle des jeunes républicains.
Entré au bureau politique du parti présidentiel, le Parti congolais du travail (PCT) en 2011, il est élu député dOyo, le village présidentiel, au scrutin de juillet 2012.
Fondateur en 2012 de la Fondation Perspective d’avenir, il s’investit dans des projets sociaux et de formation des jeunes.
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La publication de l’opuscule “Ce que je crois” en mai 2018 fait enfler les spéculations sur sa possible candidature à la magistrature suprême au scrutin présidentiel de 2021. Information qu’il avait pris le soin de démentir dans de nombreux médias.
Cette même année, il lance son Think Tank Horizons qu’il veut “un laboratoire d’idées et une force de proposition pour l’élaboration des politiques publiques orientées vers la transformation et le développement de la société congolaise”, selon une déclaration. Denis-Christel Sassou Nguesso a pris sous son aile plusieurs jeunes hommes aux ambitions politiques et vise à faire émerger une nouvelle génération qui permettrait d’envisager une transition générationnelle politique.
“Plusieurs lieutenant sont positionnés aux postes de responsabilité”, observe Gaylord Fortune Pouabou.
“Mwana Ndeya”
Décrit comme quelqu’un de jovial, courtois, très ouvert, gentil avec les gens qu’il connaît. On le dit réfléchi avec un caractère trempé. Il peut aussi se révéler calme, observateur, méfiant, discret, réservé, voire un peu timide avec les personnes qu’il ne connait pas.
“La plupart du temps, il est enfermé dans son bureau avec ses dossiers”, témoigne Vérone Mankou, un proche collaborateur.
“Il est méticuleux et a le soucis des détails c’est l’une de ses plus grandes qualités, c’est quelqu’un qui n’expédie pas les choses et qui s’arrange à ce que tout soit parfait. Il écoute plus qu’il ne parle et en général quand il parle, c’est pour arbitrer ou pour du concret”, ajoute-t-il.
“Il ne se considère pas comme quelqu’un de privilégié. Dans chacune de ses déclarations, il admet qu’il est le fils du Président de la République mais qu’il est avant out un citoyen congolais avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Cela a toujours été son leitmotiv”, témoigne un proche.
“Nous ne sommes pas une monarchie, Denis Christel est un citoyen, c’est légitime qu’il puisse avoir une ambition et imaginer des scénarios mais il va falloir batailler dur pour y arriver”, ajoute-t-il.
Le député du PCT, Ferréol Gassackys, est son voisin à l’Assemblée Nationale. Il décrit Denis Christel Sassou Nguesso comme une personne « très concernée, qui s’implique beaucoup dans ce qu’il fait et n’hésite pas à poser les questions qui fâchent face à certains membres du gouvernement. Il est honnête et dans la recherche de la vérité ».
D’après un proche de Denis Christel Sassou Nguesso, son père est son maître à penser politique.
Obéissant et docile vis-a-vis de son père, il est apprécié par ce dernier qui voit en lui une relève. Des liens très forts, qui prennent également leur source dans les traditions. Denis Sassou Nguesso père est président de la République mais aussi Mwènè, chef coutumier. Or, Denis Christel Sassou Nguesso a été investi en tant que “mwana ndeya”, soit l’enfant de l’espoir ou l’enfant de la prophétie, porteur de l’héritage traditionnel de son père.
Biens mal acquis
Sur un autre volet, le fils du président congolais est sous le coup d’enquêtes en France et aux Etats-Unis pour détournements et blanchiments de fonds publics à l’époque notamment où il travaillait à la SNPC.
Il est accusé d’avoir utilisé cet argent public pour acheter des biens immobiliers, des vêtements, montres ou voitures de luxe ou aux États-Unis, en France, en Espagne ou à Dubai dans le cadre du dossier dit des “biens mal acquis”.
Denis Christel est également accusé d’avoir accepté des « pots-de-vin » en échange de l’attribution de contrats pétroliers.
Il a nié tout acte répréhensible dans ses différentes affaires.
Quelles sont les réactions ?
Peu de leaders de l’opposition ont accepté de s’exprimer sur cette nomination gouvernementale.
Pour Gaylord Fortune Pouabou, co-fondateur du Collectif d’activistes Sassoufit, “il s’agit d’un non-événement”.
“Ce qui dérange ce n’est pas qu’il soit le fils du président de la République du Congo car un enfant ne fait pas le choix de ses parents mais je me demande où est la morale car il est poursuivi par des tribunaux en France et aux Etats-Unis mêm s’il n’a pas encore été condamné”, ajoute-t-il.
Pour le Dr Awono Eyebe, enseignant au département de Sciences Politiques à l’Université de Yaoundé 2, il s’agit de la nomination d’un “citoyen normal”.
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Dauphin potentiel ?
Lucien Pambou, analyste politique et professeur de Sciences économiques et politiques à l’Université Paris XIII, est dubitatif.
“Si on part du principe qu’aujourd’hui dans les régimes d’Afrique centrale les modèles sont dynastiques on répond “oui”. Il y a des chances pour que cela soit ainsi : ce poste permettrait à Denis Christel Sassou Nguesso de faire sa propre promotion auprès des partenaires internationaux dont la France, le principal soutien du Congo, et au nom de la stabilité politique qui est aujourd’hui la norme française de sa politique étrangère en Afrique”.
“Ce débat est vivace en Afrique centrale et n’a pas cours en Afrique de l’ouest car on a l’impression que depuis 30 ans, les régimes politiques ne font pas l’objet d’alternance et que ce sont toujours les mêmes personnes qui sont aux affaires, donc on peut craindre un régime dynastique. Mais la vie politique est forte de surprise et de rebondissements”, ajoute l’analyste.
Pour le Dr Awono Eyebe, “cette nomination peut être perçue comme un mécanisme de facilitation du dauphinat et la préparation de la succession de son père mais cela est très complexe et difficile à prouver dans la mesure où les dynamiques politiques peuvent très bien ne pas être celles qui étaient prévues par la suite et qu’il ne prenne pas le fauteuil présidentiel”.
“On peut faire une double lecture de la nomination à ce poste. A partir de ce ministère, le fils du président Sassou a l’occasion de se créer un carnet d’adresse et un réseau pour asseoir son pouvoir ou préparer la succession de son père mais il y a également le contre-pied lorsqu’on sait tout ce qui est reproché à cet individu. On peut se dire que cela a été une mauvaise manoeuvre du gouvernement. C’est à la fois un manque de stratégie et un manque de vision car cela expose le concerné. On a vu comment l’association Sherpa est tout de suite montée au créneau”, estime-t-il.
Gaylord Fortune Pouabou, auteur de Alors s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse…, relève que cette nomination “n’est pas anodine”.
“On parle de Monsieur Denis Christel Sassou Nguesso et de la famille présidentielle dans les affaires de finances et aujourd’hui c’est lui qui est mis au devant de la scène pour trouver les investisseurs pour le pays. J’ai comme l’impression que cela sent la repentance”, juge-t-il.
“S’il est apte et capable de parvenir à la tête de ce pays pourquoi pas, ce n’est pas parce qu’il est le fils du président de la République que l’on va restreindre ses droits !”, souligne l’activiste.
A-t-il les compétences pour diriger un ministère aussi important et exposé à l’international ?
“Si on regarde techniquement la gestion d’un portefeuille ministériel lié à la fois aux partenariats publics-privés ou la coopération internationale son profil ne correspond pas”, estime le Dr Awono Eyebe.
“Je suis dubitatif par rapport à son bilan à la tête de la SNPC et au niveau national on ne pouvait établir un bilan le concernant”, réagit Gaylord Fortune Pouabou.
“En tant que citoyen, il a essayé de faire des choses mais là où l’on va vraiment bien le juger c’est à travers son bilan à ce ministère”.
“Mais en tant que congolais je veux que mon pays respire. Aujourd’hui le pays est dans un état catastrophique. j’ose croire que le ministre Denis Christel Sassou Nguesso sera en mesure de ramener au Congo des investissements et des investisseurs. Le Congo a besoin de financements et ce ministère a été créé à dessein, il doit y faire ses preuves”, ajoute-t-il.
“La question de la compétence est une question difficile. Il a accumulé dans sa vie professionnelle une série d’expériences mais on ne peut dire de quelqu’un qui n’a pas commencé son magistère qu’il n’est pas compétent. Il faudra juger son action à mi ou fin de mandat”, juge Lucien Pambou.