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(rfi.fr)Irresponsabilité pénale : les sénateurs clarifient le débat avant le projet de loi du gouvernement.

 (rfi.fr)Irresponsabilité pénale : les sénateurs clarifient le débat avant le projet de loi du gouvernement.

Le ministre de la justice préfère conserver ses cartes en main sur le sujet délicat de l’irresponsabilité pénale. Eric Dupond-Moretti a annoncé, mardi 25 mai, devant les sénateurs, que le gouvernement venait de soumettre au Conseil d’Etat pour avis son projet de loi sur le sujet, mais n’a pas dévoilé son contenu, se gardant la possibilité de retoucher le texte avant son passage en conseil des ministres, en juin. Il est donc resté relativement en retrait lors de ce débat que le Sénat est parvenu à mener de façon apaisée, tant sur le fond que sur la forme, quelques semaines seulement après les manifestations, l’émotion et les réactions enflammées provoquées par l’arrêt de la Cour de cassation du 14 avril dans l’affaire du meurtre de Sarah Halimi.

Finalement, la proposition de loi « relative aux causes de l’irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l’expertise en matière pénale » votée en début de soirée par les sénateurs s’avère autrement plus prudente que les deux textes dont elle est issue. Contrairement à ce que certains réclamaient, y compris la sénatrice de l’Orne Nathalie Goulet (Union centriste) dans sa proposition de loi et le sénateur des Pyrénées-Orientales Jean Sol (Les Républicains) dans la sienne, le Sénat a choisi de ne pas toucher à l’article 122-1 du code pénal selon lequel « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’affaire Sarah Halimi relance le débat sur l’irresponsabilité pénale

Le texte initial de Mme Goulet proposait pourtant que l’irresponsabilité pénale ne puisse pas être déclarée « lorsque l’état de l’auteur résulte de ses propres agissements ou procède lui-même d’une infraction antérieure ou concomitante ». Mais la rapporteuse de la commission des lois a reconnu avoir changé d’avis, notamment à la lumière de « l’excellentissime travail de l’avocate générale » Sandrine Zientara, dont la qualité de l’avis de 87 pages à la Cour de cassation dans l’affaire Halimi a été saluée, y compris par le garde des sceaux.

Prérogative du juge

Dans l’affaire Halimi, Kobili Traoré, qui a frappé puis défenestré en avril 2017 cette retraitée parisienne de confession juive, a été reconnu par l’ensemble des experts psychiatres comme ayant agi sous l’emprise au moment des faits d’une « bouffée délirante », définition d’un état clinique de perte de contrôle de son propre comportement et de la perception de la réalité. Mais l’abolition de son discernement ayant été précédée d’une prise de cannabis, un des sept experts avait estimé que l’auteur ne pouvait pas être entièrement exonéré de sa responsabilité.

Mme Goulet souhaitait éviter avec son texte le cas de figure qu’elle a traduit à la tribune du Palais du Luxembourg par ces mots : « Je bois, je fume et après j’invoque la loi pour échapper à ma responsabilité. » Le texte de M. Sol proposait une modification plus marginale de l’article 122-1. Mais la commission des lois du Sénat a finalement préféré, unanimement, ne pas toucher à cet article du code pénal, « aux confins de la médecine et du droit », estimant que décider de la responsabilité pénale de l’auteur d’un délit ou d’un crime relève de la mission du juge. « Il est difficile au législateur de prévoir tous les cas différents. C’est au juge de trancher », a reconnu M. Sol.

Pour répondre « au besoin de procès » des victimes ou de leur famille, le texte voté touche finalement au code de procédure pénale. La solution retenue par le Sénat est de renvoyer devant la juridiction de jugement les cas où le juge d’instruction estime que « l’abolition temporaire du discernement de la personne mise en examen résulte au moins partiellement de son fait ». C’est au tribunal correctionnel pour un délit et à la cour d’assises pour un crime qu’il reviendra alors de statuer sur l’application de l’article 122-1. Lire aussi : « L’affaire Sarah Halimi ne fait peut-être que commencer – et le débat sur l’articulation entre justice et psychiatrie que rebondir »

M. Dupond-Moretti a soutenu le choix de ne pas modifier cet article du code pénal qui « doit rester le garant du principe fondamental posé par l’article 121-3 : il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Toutefois, le ministre de la justice semble, lui, prêt à toucher au code pénal puisqu’il a indiqué que son projet de loi transmis au Conseil d’Etat « limite l’irresponsabilité pénale lorsque l’abolition du discernement résulte d’une intoxication volontaire », sans plus de précision. Il a dit son désaccord avec le texte du Sénat, estimant non justifié de renvoyer une affaire aux assises « s’il s’agit de confirmer l’avis des experts ».

Circonstance aggravante étendue

Le groupe socialiste au Sénat s’est également opposé à ce choix de procédure estimant, par la voix du sénateur du Loiret Jean-Pierre Sueur, qu’« il y a bien un procès avec l’examen de l’affaire par la chambre de l’instruction en public, en présence des parties, de l’auteur du crime et dans le respect du contradictoire ». Dans le dossier Halimi, cette audience a duré huit heures. Un amendement des socialistes a néanmoins été voté pour que la juridiction du fond se prononce sur la responsabilité pénale avant d’aborder le fond, notamment pour limiter le risque d’un jury populaire incapable de retenir l’irresponsabilité face à l’horreur d’un crime. Le ministre s’est opposé à cet amendement estimant ne pas voir « comment dissocier l’examen de l’irresponsabilité du fond du dossier ».

Le Sénat en a profité pour étendre à l’ensemble des crimes et délits la circonstance aggravante d’une commission en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants. Et, sur un amendement de Valérie Boyer (LR), a été introduite la possibilité de retenir l’irresponsabilité pénale dans certains cas où une victime ayant subi des violences conjugales pendant des années peut en raison d’un stress post-traumatique se retrouver en situation de tuer son tortionnaire pour ne pas mourir.

Le texte du Sénat a également repris des recommandations issues du rapport de la mission d’information sur « l’expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale », remis en mars par Jean Sol et Jean-Yves Roux (PRG) à la commission des lois et à celle des affaires sociales. Ce rapport faisait le constat d’une crise profonde décrivant un effet de ciseaux provoqué par la hausse incessante du recours aux expertises par les magistrats et la baisse régulière du nombre d’experts inscrits auprès des juridictions, avec un effet sur la qualité des expertises. Le Sénat a ainsi voté une disposition imposant que la première expertise ait lieu dans un délai maximal de deux mois après l’incarcération de la personne mise en cause. L’examen clinique fait au cours de la garde à vue devra se contenter de porter sur la compatibilité du maintien de la mesure avec l’état de l’intéressé.

Bien conscient de ne pas pouvoir forcer la main du gouvernement sur la question de l’irresponsabilité pénale, le Sénat a néanmoins marqué son territoire. M. Dupond-Moretti, qui attend également avec impatience ce que donnera la « mission flash » confiée sur ce sujet par la commission des lois de l’Assemblée nationale à Naïma Moutchou (La République en marche) et à Antoine Savignat (LR), sait que son projet de loi sera examiné par des parlementaires soucieux de ne pas se faire déposséder d’une réforme aussi sensible.

kadi

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