La visite d’Emmanuel Macron ce jeudi 27 mai au Rwanda est présentée par l’Élysée comme l’ultime étape de la « normalisation » des relations entre Paris et Kigali, engagée ces dernières années. Des relations empoisonnées par l’épineuse question du rôle joué par la France lors du génocide des Tutsis en 1994, que plusieurs chefs d’État ont tenté, par le passé, d’apaiser. Sans grand succès jusqu’à récemment. Publicité
Parmi les prédécesseurs d’Emmanuel Macron, un seul chef de l’État français a fait le déplacement à Kigali : Nicolas Sarkozy, en 2010. Quatre ans plus tôt, alors que Jacques Chirac était encore président de la République française, Paul Kagame avait rompu ses relations diplomatiques avec Paris pour protester contre l’enquête du juge Bruguière, qui mettait en cause plusieurs de ses proches dans l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, survenu le 6 avril 1994.
Une éphémère embellie sous Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy, qui a succédé à Jacques Chirac en 2007, a voulu tourner cette page. En conférence de presse, à Kigali le 25 février 2010, il a reconnu des « erreurs politiques » et une « forme d’aveuglement de la France » au Rwanda. Dans la foulée, Paul Kagame a été reçu à Paris. Mais l’embellie fut de courte durée.
En 2014, à la veille des commémorations des 20 ans du génocide, Paul Kagame tire de nouveau à boulets rouges. Dans une interview, le président rwandais fustige le « rôle direct de la France dans la préparation du génocide » et même « sa participation » à son « exécution ». Conséquence : Paris annule la participation de sa ministre de la Justice, Christiane Taubira, aux commémorations.
Un rapprochement repris avec Emmanuel Macron
À son arrivée à l’Élysée, en 2017, Emmanuel Macron relance le travail de rapprochement entre les deux pays et procède par petits pas. Après une première entrevue en septembre 2017, il convie Paul Kagame à Paris huit mois plus tard, à un salon consacré aux nouvelles technologies. Le président français tente alors d’entamer un rapprochement avec son homologue rwandais sur des sujets d’intérêts communs : les nouvelles technologies donc, mais aussi l’environnement, l’égalité hommes/femmes…
En parallèle, la France appuie les initiatives prises par Paul Kagame en tant que président en exercice de l’Union africaine. Le réchauffement est tel que Paris soutient, en octobre 2018, la candidature de Louise Mushikiwabo, alors ministre rwandaise des Affaires étrangères, à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).
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L’importance de la commission Duclert
Six mois plus tard, nouvelle étape : Emmanuel Macron annonce, à l’occasion de la commémoration du 25ème anniversaire du génocide des Tutsis, un renforcement des moyens judiciaires et policiers pour poursuivre dans l’Hexagone les présumés génocidaires. Surtout, il officialise la création d’une commissions d’historiens chargée de faire la lumière sur le rôle de la France pendant le génocide.
Cette commission Duclert conclura, deux ans plus tard à des responsabilités lourdes et accablantes de Paris. Entretemps, un nouveau chargé d’affaires au profil très politique a été nommé à l’ambassade de France. Et l’Agence française de développement a, elle, relancé son action au Rwanda, signe d’un début de normalisation des relations entre les deux pays. Ce travail de longue haleine pourrait connaître son point d’orgue lors du discours d’Emmanuel Macron, ce jeudi, au mémorial du génocide de Gisozi.