Après la vague folle bleu et blanc de 13 Organisé, le rap marseillais revient braquer l’été avec un nouvel album en collectif, V13, signé B18 et OM Records.
Mais qui donc arrêtera la vague rap marseillaise ? Il y a quelques jours encore, tous les rappeurs de Marseille étaient rangés derrière Jul pour la sortie de son album, Demain ça ira. Après un tel séisme, on aurait pu s’attendre à ce que la ville et ses artistes prennent un repos bien mérité, mais c’est mal les connaître puisqu’ils reviennent déjà en équipe avec V13. Un album multi-artistes signé OM Records et B18 Production, venu une nouvelle fois montrer à la France entière que l’union fait la force. « Il faut que ce projet soit entendu et défendu le mieux possible, il le mérite autant que 13 Organisé. C’est pour le maillot, c’est pour la ville avant tout et ça c’est beau », souligne Vincenzo .
Mais déjà pourquoi V13 ? Tonyno, producteur et rappeur sur le projet précisait dans Mouv Rap Club : « On devait le sortir un vendredi 13, mais le Covid a tout chamboulé. On a quand même gardé le titre car ce V, c’est la vie, le vécu, les vaillants et la violence du 13 ». A la vue de la tracklist, on comprend vite que l’essence qui a alimenté ce projet est la même que pour 13 Organisé : rassembler et faire rapper sur un même disque toute la scène rap marseillaise, les anciens comme les nouvelles générations.
Tonyno apporte tout de même une nuance : « Si 13 Organisé est un album de Jul en feat avec tout le monde, V13 entre plus dans la veine de projets comme l’étaient les Chroniques de Mars et Sad Hill, c’est un album multi-artistes ». On trouve bien entendu une majorité de collaborations, mais chacun a définitivement plus de place pour exposer son propre univers. Faire briller les individualités pour tirer le meilleur de tous et élever l’équipe, tel est l’objectif de V13.
L’union fait la force
Pour représenter la ville, ce ne sont pas moins de 42 artistes, que des talents rassemblés sur un total de 26 titres. Un nombre de morceaux qui au premier abord peut faire peur, mais à ce sujet, Tonyno est clair : « Si on avait fait 12 ou 13 morceaux, ça aurait été super réducteur. Au contraire, on a voulu laisser la place à tout le monde, pour que le public puisse voir tout ce qui se fait à Marseille ».
Parmi ceux ayant répondu à l’appel, on retrouve des MC confirmés tels que les Psy 4 De La Rime, Fahar du groupe Puissance Nord, Jul, Le Rat Luciano et l’Algérino, des poids lourds de la scène rap marseillaise actuelle comme Kofs, Naps et YL, mais aussi et surtout plein d’étoiles montantes issues de la cité phocéenne comme Elams, FZ, AM La Scampia, Graya et Houari, qui étaient déjà présents sur 13 Organisé
Au summum de la démarche, on découvre aussi des artistes qui pour certains, font leurs premiers pas dans la musique. C’est le cas par exemple du rappeur Rym et de la chanteuse Maelys, deux des plus jeunes pousses de l’équipe, mais déjà pleines de promesses. « Pour les jeunes artistes comme nous, c’est un honneur et un gage de visibilité et ouvrir des opportunités », s’enthousiasme Rym. Sentiment partagé pour sa team mate Maëlys : « J’ai à peine 15 ans et je chante sur un album où sont tous les plus grands rappeurs marseillais. Il y a un début à tout, mais là c’est incroyable pour moi ». Ce projet-là, c’est un vrai tremplin et ça va nous aider à lancer nos projets persos », s’enthousiasme Maturo, un autre minot de la clique.
Qu’on se le dise, toutes ces connexions ont été rendues possibles grâce à Jul, et les graines qu’il a plantées l’an dernier avec 13 Organisé. C’est en tout cas le constat partagé par la majorité des artistes de V13, à l’image de Sauzer « Jul y est pour beaucoup dans cette nouvelle solidarité à Marseille, il nous a mis en lumière et ça personne ne peut le nier ». « Grâce à lui, la face de Marseille a changé. Merci on se connaissait déjà tous plus ou moins, beaucoup de rappeurs se sont rencontrés, connectés artistiquement et sont même devenus amis », ajoute Graya. « Forcément, ça facilite les connexions », poursuit Syza. La plus belle des conclusions nous vient de MOH qui des étoiles dans les yeux constate que « Tout le monde se mélange, c’est la magie de Marseille ».
Pour sûr que la solidarité à Marseille est immense. Pour le constater, il suffit de voir tous les artistes qui se sont déplacés lors du Planète Rap de Jul. Cela dit, même loin des projecteurs, sur les réseaux, tout le monde a Marseille s’emploie à partager les travaux des uns des autres pour donner un maximum de force aux petits frères comme aux grands.
« A Marseille on est très humains très ouvert. On a compris qu’il était important de se donner de la force parce qu’on a vécu les mêmes galères, autant dans la vie que dans la musique », se félicite FZ. Du côté des anciens, même discours à l’instar de Vincenzo des Psy 4 de la Rime : «Je suis fier de soutenir et participer à l’unité de la ville. On se doit d’être ensemble, d’être soudé, de rire ensemble. J’aime voir toute cette énergie ». « ça a ouvert les robinets pour aider les petits à sortir du quartier. Je vois ça comme dans Koh-Lanta, c’est la réunification de Marseille, c’est trop bien ! » se réjouit Le Rat Luciano.
Le constat est sans appel : la fièvre marseillaise frappe la France de plus belle et la crème des artistes de la ville a signé un album qui promet de nous faire vibrer tout l’été.
V13 : le rap marseillais sous toutes ses coutures
Soprano l’a déjà dit, mais quiconque a déjà mis au moins une fois les pieds à Marseille sait que la ville est cosmopolite. Forcément donc, tous les styles musicaux se mélangent et s’entrechoquent pour former une identité sonore riche et unique.
Historiquement, la cité phocéenne s’est imposée avec un rap sombre exaltant la vie du rue, mais aujourd’hui, on s’accordera à dire que la couleur actuelle dans le sud-est, c’est surtout la zumba, les sons dansants et une bande son festive à écouter idéalement au soleil. C’est justement un mélange parfait de toutes ces influences que l’on retrouve tout au long des 26 titres de V13. « Le rap à Marseille, il y en a pour tous les goûts ». affirme Manny. « Tu veux du kickage tu en as, des sons d’amour, tu en as, des sons dansants aussi, du type Jul… c’est tout ça Marseille ». KID complète : « Le son marseillais, c’est un mélange de rue, de fête et de soleil », avant d’être complété par Kofs : « Notre musique, c’est notre vécu raconté de manière authentique et sincère ».
Si le rap à Marseille est aussi varié et franc, c’est aussi parce qu’ au-delà de sa musicalité si particulière, il est également ancré dans le réel du quotidien de ses quartiers. Comme nous le disait si bien Alonzo: « Marseille, c’est des sons qui bougent, des sons rythmés qui racontent les joies de la ville, mais aussi ses peines ». La force de Marseille est bien là : malgré les difficultés et la noirceur ambiante, la ville reste dans une mentalité positive et ses artistes ont toujours le cœur aux bonnes ambiances et à la fête. « On a grandi avec la pop et la funk, être à la fois sombre et festif, c’est la force de notre art à Marseille », explique 2Bang.
C’est tout ce cocktail d’ambiances différentes qui façonne la spécificité et l’identité musicale si particulière du rap marseillais. « Il y a vraiment de tout à Marseille », se réjouit Tonyno. « Les rappeurs de Marseille peuvent rapper sur tout type de vibes, à l’ancienne comme actuelles. Ils ont une capacité d’adaptation que n’ont pas les autres ». « Entre rappeurs de Marseille, dit FZ, même si on n’a pas tous les mêmes univers, on se complète et on se comprend, car on a tous les mêmes valeurs et affinités ».
Ils nous l’ont montré l’an dernier avec le raz-de-marée Bande Organisée, quand Marseille rappe à l’unisson, ça fait des étincelles et c’est toute la France qui suit le mouvement. Avec V13, le phénomène est parti pour durer et se prolonger. « C’est nous les Marseillais, comment veux-tu nous arrêter ? » Comme le dit si bien Fahar d’entrée.
Marseille au sommet du rap français
Avec ces projets successifs, sans parler de Jul, Naps, Soso Maness, SCH qui figurent incontestablement parmi les rappeurs les plus chauds du moment, on a effectivement du mal à imaginer qui sera capable dans les années à venir, de déloger Marseille du trône du rap français. On le rappelle tout de même, le rap marseillais en 2021, c’est 50 % des artistes dans les playlists urbaines sur Deezer et 48 % sur Spotify.
C’est un fait, après une période relativement creuse pour la ville entre 2010 et 2015, Marseille brille désormais plus que jamais sur la carte du rap français. Le secret de cette remontada extraordinaire ? Les artistes s’accordent tous à dire qu’il n’y en a pas, que tout se fait toujours naturellement et au feeling. « A Marseille, tout le monde se connaît, c’est petit et on se côtoie tous maintenant, forcément, ça facilite les choses », réaffirme Sauzer.
Cette période creuse, Tonyno tient tout de même à la relativiser. Pour lui, l’élan et la solidarité dans le rap à Marseille, ont toujours existé : « AKH l’a montré avec Les chroniques de Mars qui mettaient en avant les gros comme IAM et la FF, mais aussi les groupes qui émergeaient à l’époque comme 3eme Oeil et Carré Rouge ». Il poursuit : « Ce qui se passe aujourd’hui, c’est nouveau pour ceux qui ne connaissaient pas le rap à l’époque. La différence c’est qu’aujourd’hui, c’est encore plus exposé, car il y a bien plus de rappeurs et de gens connus à Marseille qu’à l’époque ».
Quoi qu’il en soit, en témoignent les projets V13 et 13 Organisé, le rap marseillais vit actuellement et incontestablement son nouvel âge d’or. « Marseille grossit de jour en jour. On fait les choses avec le cœur plus que pour le business et grâce à ça, on va devenir aussi important que Paris », présage Tonyno.
Pour cela, la ville peut compter sur sa relève de nouveaux talents. Dans un énième élan de solidarité, certains anciens et artistes bien en places ont su trouver les mots pour les encourager : « Dans la roue de la fortune, il y a une case jackpot. Quand on veut et avec de la patience, on finit toujours par tomber dessus. Chacun aura sa chance et son heure le moment venu s’il s’en donne les moyens. Soyez patients, soyez unis », demande Vincenzo des Psy 4. La seconde salve de conseils est livrée par le sage, Le Rat Luciano : « Faites ce que vous aimez et faites passer les messages que vous voulez, mais faites-le pleinement et allez au bout de vos idées, de vos envies et de vos objectifs. Faîtes surtout de la qualité et ne vous reposez jamais sur vos acquis si vous voulez durer ». Et puisque transmettre son expérience est effectivement important, Kofs a lui aussi son mot à dire : « Ne lâchez-pas, faites les bons choix et ça finira par payer. Je parle en connaissance de Kofs et j’en suis la preuve vivante ».
Si ces mots sages sont appliqués à la lettre, difficile d’imaginer la fièvre marseillaise retomber. D’autant plus qu’après 13 Organisé, V13 et l’OM qui affiche ses ambitions de soutenir la scène rap locale, on sait déjà que deux autres projets d’envergure sont dans les tuyaux : le troisième volet des historiques Chroniques de Mars et la deuxième galette du collectif de Jul, 13 Organisé. C’est acté, l’avenir du rap, c’est toujours Marseille bébé, et ce n’est pas prêt de s’arrêter.