Seule pensionnaire de l’élite du championnat français de handball féminin, Joséphine Nkou est l’une des pièces maîtresses du Congo. Une équipe de retour pour la première fois depuis douze ans aux championnats du monde en Espagne, du 2 au 19 décembre. Portrait de l’ailière gauche des Lionnes du Paris 92, devenue Diable rouge.
Joséphine Nkou a fait l’histoire du sport congolais, d’un tir à 9 mètres à la dernière seconde du quart de finale de la CAN féminine 2021 de handball, face au Sénégal (21-20 le 15 juin). La bonne inspiration de l’ailière gauche de poche (1,65 m) du Paris 92 a ramené les Diables rouges dans le gratin mondial pour la première fois depuis 2009. Et peu importe que la sélection de Younès Tatby ait ensuite été écartée du podium par la Tunisie. Sa joueuse décisive de 24 ans ne pouvait pas garder meilleur souvenir de son premier rendez-vous continental, du moins sur le plan sportif.
Participer au Mondial espagnol n’est pas la moindre des fiertés de cette native de la région parisienne, habituée à relever des défis et à surmonter obstacles et préjugés sur sa capacité à faire carrière au haut niveau. Son autre belle réussite du moment est d’avoir retrouvé l’élite française avec les Lionnes parisiennes. Formée à Brest, Fleury-les-Aubrais puis au Havre, passée professionnelle au sein du club normand à l’été 2018, Joséphine Nkou a dû redescendre d’un étage, à Octeville (deuxième division), durant la saison dernière.
L’actuelle était partie pour se dérouler en troisième division mais un coup de fil de Yacine Messaoudi, entraîneur du Paris 92 et observateur attentif de la CAN – devenu depuis le sélectionneur du Sénégal féminin – la convainc de signer dans la capitale pour compenser la longue absence d’Alice Mazens sur blessure. « Prendre ses repères n’a pas été facile, glisse-t-elle. Entre la première et la deuxième division, il y a un grand écart d’exigence, de qualité des entraînements. Il faut être très assidue. »
Le choix s’avère néanmoins payant. À la trêve internationale, Paris 92 pointe à la 3e place de la Ligue Butagaz Énergie, le championnat de France féminin, et Joséphine Nkou n’y est pas pour rien (10 buts en 9 matches). Tout juste regrette-t-elle l’élimination du club dès le deuxième tour préliminaire de la Ligue européenne (la seconde compétition continentale) par le club espagnol de Bera Bera (27-27 à l’aller, 21-26 au retour). Mais elle reconnaît ne pas avoir pu se donner à fond pour éviter cet échec. « Je revenais tout juste d’un stage avec la sélection nationale. Je n’ai eu qu’un jour de repos, je n’avais pas assez récupéré. Lors du match aller, j’ai été nulle, confesse-t-elle. Au retour, je fais une bonne entame, mais je prends rapidement 2 minutes et je ne reviens plus… »
Des Bleuettes aux Diables rouges
Joséphine Nkou a commencé le handball au collège « pour rigoler », alors qu’elle pratiquait déjà le judo. La petite balle collante a pris le dessus en classe de 3e et devient rapidement une affaire sérieuse. À tel point qu’en plus de faire ses gammes en formation, elle est convoquée en équipe de France junior, aux côtés de futures internationales A comme Orlane Kanor ou Océane Sercien-Ugolin. Mais le destin l’éloignera très vite de la route des Bleues. Si Joséphine Nkou participe à la qualification de la sélection pour l’Euro 2015 de la catégorie, elle restera à quai pour la phase finale. De quoi en tirer une certaine amertume sur les codes de l’intégration au plus haut niveau…
Aujourd’hui, le maillot tricolore a été remisé au profit de la tunique rouge, un changement étonnant de prime abord pour une joueuse ayant des origines… camerounaises. « J’ai été approchée par Jocelyne Mavoungou [ailière droite congolaise] lorsque je jouais au Havre, mais j’avais refusé car j’étais jeune et ma mère ne voulait pas, raconte-t-elle. Le Cameroun s’intéressait aussi à moi, mais on me contactait, puis on me laissait sans nouvelles… Fin janvier dernier, la capitaine congolaise Diane Yimga me parle à nouveau de la sélection. Je me suis dit cette fois que ça n’engageait à rien de parler avec le vice-président de la fédération, et j’étais été séduite par le projet. »
Beaucoup moins par la réalité d’une CAN disputée sous Covid-19. Une première expérience éprouvante où sa principale découverte a été… elle-même ! « Je suis une guerrière, mais je ne pensais pas l’être autant ! Seules les filles qui sont allées au Cameroun peuvent comprendre ce qu’on a vécu. Un hôtel avec des cafards, une nourriture pas terrible, parfois juste un peu de riz et de sauce à manger avant d’aller jouer. On a même joué le dernier match contre la Tunisie le ventre vide à cause d’un problème de communication entre le staff et l’hôtel… Un calvaire ! » Sans compter que sur le terrain, la charge des matches reposait essentiellement sur les professionnelles comme elle. « Les locales avaient du mal à gérer la pression. On a souvent joué une heure… Et en plus, jusqu’au match de groupes contre le Congo, j’avais le palu ! Au total, j’ai perdu dix kilos ! »
Envie de surprendre au Mondial
À l’arrivée, la qualification à l’arraché pour le Mondial n’en a que plus de saveur. Joséphine Nkou entend maintenant bien montrer avec le Congo en phase de groupes qu’elle saura se battre contre la Corée du Sud (championne d’Asie), que son équipe ne sera pas un simple sparring-partner du Danemark (absent des Jeux Olympiques de Tokyo mais 4e de l’Euro 2020), et prendre une revanche cruciale sur la Tunisie. « J’ai envie de créer la surprise, confesse-t-elle. Je pense qu’on peut faire déjouer les Danoises un maximum de temps possible. Mais le vrai but, notre finale, ce sera le troisième match contre les Tunisiennes. »
Cette confrontation devrait en effet permettre de déterminer laquelle des deux nations poursuivra sa route dans cette compétition où trois équipes sur quatre se qualifient pour le tour principal. Mais pour avoir le droit d’y croire, il faudra, selon elle, éviter un écueil récurrent dans le jeu : le repli défensif. « Dans le handball congolais, on apprend à marquer des buts mais la défense n’est pas considérée comme quelque chose d’important… Attention aussi aux pertes de balle pour ne pas être punies par des buts faciles. » Rigueur obligatoire pour ne pas transformer en déroute un premier moment de rêve, en attendant, comme elle l’espère, de vivre la consécration ultime : disputer les Jeux Olympiques.