L’équipe nationale américaine de football féminin et ses stars, Megan Rapinoe et Alex Morgan, affronteront les Pays-Bas en finale de la coupe du monde féminine de football ce dimanche. Alors que les joueuses tentent de décrocher un nouveau titre de championnes du monde (elles arborent déjà 3 étoiles sur leur maillot), elles se retrouvent au cœur d’un conflit juridique avec la Fédération américaine de football, invoquant une discrimination salariale par rapport à leurs homologues masculins.
Le 8 mars dernier, 28 joueuses ont déposé une plainte auprès de la Cour de district des États-Unis à Los Angeles, accusant la fédération américaine de pratiquer une discrimination salariale envers les femmes dans son équipe nationale. La plainte dénonce également la fédération qui s’opposerait à « l’égalité des conditions de jeu, d’entraînement et de déplacement, et soutient moins les matchs [des femmes] que ceux de l’équipe masculine de football ». Les joueuses affirment que la Fédération américaine de football a enfreint la loi sur l’égalité salariale (Equal Pay Act) et le Titre VII du Civil Rights Act.
Les joueuses et la fédération ont accepté le 21 juin de recourir à la médiation après la Coupe du monde. Si la médiation aboutit, les joueuses pourraient bien obtenir des résultats plus rapidement qu’en poursuivant leur action en justice.
En réponse à la plainte déposée au mois de mars, la fédération américaine a soutenu que l’écart salarial entre les joueuses et les joueurs se justifiait par les différences de conventions collectives de travail (CCT). Un représentant a d’ailleurs annoncé que les CCT étaient établies « en fonction des différences de recettes globales générées par les différentes équipes et/ou d’autres facteurs autres que le genre ».
Ainsi, les recettes générées par les équipes masculines et féminines seront étudiées dans le cadre du dépôt de plainte. La fédération quant à elle affirme que l’équipe masculine génère plus de chiffres d’affaires que les femmes, et que c’est la raison pour laquelle les joueurs perçoivent un salaire plus élevé.
Le Wall Street Journal a réalisé un audit des finances de la Fédération américaine de soccer et en a conclu que celle-ci avait raison en affirmant que les nationales ne généraient pas autant de recettes : en fait, les femmes ont réalisé 1,87 million de dollars de recettes de plus que les hommes depuis 2016.
Selon la fédération, les recettes générées par chaque équipe relèvent d’un calcul complexe. Les recettes attribuables à une équipe dépendent tout d’abord des ventes de billets. Mais la fédération affirme que ce n’est pas là la source principale de revenus d’une équipe. Il faut également prendre en compte les partenariats, les droits de diffusion et l’organisation de compétitions internationales, telles que la Gold Cup (qui voit s’affronter les 16 meilleures sélections de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes). Cet ensemble de recettes serait reversé à la fois à l’équipe masculine et à l’équipe féminine, mais également à d’autres équipes gérées par la Fédération américaine de football.
Si les chiffres du Wall Street Journal sont corrects, l’équipe nationale féminine est en effet payée moins que l’équipe masculine, alors que les joueuses sont meilleures et génèrent plus de recettes. Il faudrait cependant avoir un aperçu global de la redistribution des recettes afin d’affirmer que la fédération américaine a bien enfreint la loi. Cette tâche incombe désormais à la Cour de district des États-Unis à Los Angeles.
Les différences de revenus sont plus évidentes si l’on examine les dernières Coupes du monde masculine et féminine. Les hommes se sont qualifiés pour la Coupe du monde 2014, où ils s’inclinent en huitièmes de finale. Selon la plainte déposée par l’équipe féminine, les joueurs auraient alors empoché 5,4 millions de dollars de la part de la fédération américaine. En 2018, l’équipe masculine ne parvient même pas à se qualifier pour la Coupe du monde.
L’équipe féminine, en revanche, a remporté la Coupe du monde 2017 au Canada et a alors perçu 1,7 million de dollars de la part de la Fédération américaine de football.
Mais les réclamations des Américaines ne s’arrêtent pas là. Les joueuses affirment également être moins payées que leurs homologues masculins dans le cadre des matchs amicaux.
« Une comparaison des salaires des équipes nationales féminine et masculine démontre en effet que si chaque équipe jouait 20 rencontres amicales chaque année et les remportait toutes, alors les joueuses américaines gagneraient au maximum 99 000 $ (soit 4 950 $ par match), contre 263 000 $ (soit 13 166 $ par match) pour les hommes. Les femmes gagneraient donc seulement 38 % du salaire total de leurs homologues masculins ».
Selon la fédération, la plainte déposée par les joueuses américaines se base sur les anciennes CCT. Les nouvelles ne sont pas rendues publiques, mais prévoiraient selon la fédération un salaire proche de 270 000 $ pour le football féminin dans le cadre de sélections en équipe nationale et de rencontres amicales.
L’équipe féminine affirme également qu’en plus d’avoir un meilleur palmarès que les hommes, elles jouent plus qu’eux. Selon la plainte, « entre 2015 et 2018, l’équipe nationale américaine a joué 19 matchs de plus que l’équipe masculine sur la même période ».
Les joueuses américaines doivent encore prouver que les chiffres avancés sont bien exacts. Si la médiation ne permet pas d’aboutir à un compromis satisfaisant, alors la lutte entre le football féminin et la Fédération américaine de football concernera la véracité des montants présentés.
Un représentant de la fédération américaine a par ailleurs déclaré il y a peu : « La réalité du marché est telle que les femmes ne méritent pas d’être payées autant que les hommes ». Pourtant, il semblerait que le marché actuel soit plutôt favorable à l’équipe féminine.
Ce combat ne concerne malheureusement pas que le football féminin. Ces dernières années, de nombreuses athlètes américaines ont pris la parole pour exiger de meilleurs droits, de meilleurs traitements et de meilleurs salaires. Les joueuses américaines font partie de ces sportifs qui mettent leur carrière en jeu pour défendre leurs convictions.