Au procès du bombardement du camp français de Bouaké, l’audition des témoins se termine ce mardi 13 avril. Après l’ancien ministre des Affaires étrangères Michel Barnier, ce fut au tour de l’ex-ministre de l’Intérieur Dominique de Villepin de témoigner.
Il dit ne plus être avocat. Cité comme témoin au procès de l’attaque contre le camp français de la force Licorne qui a tué neuf soldats français le 6 novembre 2004 à Bouaké, Dominique de Villepin s’est pourtant livré pendant deux heures à une véritable plaidoirie.
Costume sombre, ton grave, l’ancien ministre de l’Intérieur a tenté de démontrer méticuleusement que son ministère n’avait pas à traiter ce dossier. Comme Michel Barnier la veille, il dit ne pas avoir été informé personnellement de l’arrestation par les autorités togolaises des présumés pilotes des Sukhoi qui ont bombardé le camp de Bouaké.
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Deux télégrammes, dont un urgent, ont pourtant été envoyés à ses équipes pour informer de l’arrestation de ressortissants slaves. Mais l’ex-ministre pointe le formalisme de ce dernier message, qui n’a été adressé à personne directement. De toute façon, explique-t-il, ce télégramme-là a été traité par les deux autres ministères : la Défense et les Affaires étrangères. Deux ministères qui font partie, selon lui, avec l’Élysée d’un « triangle de responsabilités ».
Jean-Pierre Raffarin : « Il n’y a pas de secret »
Pas question cependant pour Dominique de Villepin de rejeter la faute sur ces ministères. Il pointe du doigt ce qu’il appelle « l’angle mort de ce dossier » : l’autorité judiciaire centrale. Il regrette que celle-ci n’ait pas pu agir dans les premières heures après le drame. Dominique de Villepin conclut : « On voit bien que le problème est beaucoup plus complexe qu’un renvoi de balle entre différents ministères. »
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L’ancien ministre de l’Intérieur a également estimé que « l’État n’a pas fait tout ce qu’il pouvait ou devait faire ». Il a regretté que l’instruction ne soit pas allée plus loin. « Nous avons sollicité avec la juge d’instruction la CJR la Cour de justice de la République, lui rétorque Me Balan, l’avocat de la majorité des parties civiles. Cette cour est seule à même de pouvoir juger les ministres. « Concernant la CJR, je crois que tout vaut mieux que le soupçon », répond alors Dominique de Villepin. Il ne digère pas ce soupçon de manipulation de l’État français. « Ce poison du soupçon suscite une profonde colère chez moi », lâche-t-il.
Quelques instants plus tard, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin assure quant à lui qu’il ne peut pas y avoir manipulation dans ce dossier. « Quand trois ministères sont impliqués, si, au bout de 16 ans, le secret n’est pas sorti, lance-t-il à la barre, c’est qu’il n’y a pas de secret ».
Tous ceux qui occupaient des responsabilités à l’époque ont un devoir de vérité. C’est pour cela que j’ai regretté que, dans le cadre de l’instruction, tout n’ait pas été mené jusqu’à son terme.