L’aide internationale a commencé à arriver en Inde, alors que les crematoriums de la capitale New Delhi arrivent à saturation. Le pays est très durement frappé par une seconde vague de Covid-19, qui serait due à un variant particulièrement contagieux. 350 000 cas ont encore été enregistrés ce mardi 27 avril. Entretien avec le Dr Lancelot Pinto, épidémiologiste et pneumologue, consultant au Hinduja Hospital de Bombay. Bombay, l’une des rares villes d’Inde où la situation semble s’améliorer. Publicité
RFI : Quelle est la situation à Bombay ?
Dr Lancelot Pinto : Il semble que la situation à Bombay aille en s’améliorant ces trois, quatre, derniers jours : le nombre de cas baisse, nous espérons avoir atteint le pic de cette vague. Il y a eu une grande pénurie de lits, des patients qui voulaient être admis dans notre hôpital et qui ne le pouvaient pas, mais là je pense que cela va mieux. Malheureusement, la mortalité a tendance à avoir une ou deux semaines de retard, donc nous nous attendons à ce que le pic du nombre de morts arrive à ce moment-là. Ici la situation dans les services a été tendue, mais nous n’avons jamais manqué d’oxygène. Nous étions mieux préparés, parce que lors de la dernière vague, je crois que Bombay a été l’une des villes les plus touchées. Donc, nous avons renforcé nos services, en créant des lits, en mettant en place des hôpitaux de fortune, en ayant plus de fournitures médicales disponibles… Et je crois que c’est ça qui nous a permis cette fois de mieux faire face. Dans le reste du pays, les infrastructures de base ne sont peut-être pas aussi bonnes qu’ici, donc même avant le Covid l’investissement dans la santé n’était pas aussi important qu’il aurait dû l’être. Et personne n’a anticipé une vague d’une telle ampleur, donc quand ils ont dû y faire face, je crois que c’était impossible de se mettre à niveau en l’espace de quelques semaines.
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Que pouvez-vous nous dire de ce variant, qui serait à l’origine de cette très violente seconde vague ?
Nous pensons tous que le nouveau variant est beaucoup plus contagieux, qu’il se transmet beaucoup plus facilement. C’est pour cela que nous voyons de nombreux foyers de contagions avec des individus qui attrapent le Covid en même temps : des familles entières, des espaces de travail entiers, des gens qui sont allés à des mariages – on se rend compte que tous ou une bonne partie tombent malade en même temps. Par contre, on n’est pas certain que ce variant soit davantage meurtrier ; mais par le simple fait qu’un nombre très important de personnes sont infectées, même s’ils ne sont qu’un petit pourcentage à mourir, cela suffit pour déborder complètement le système de santé, en créant un très large nombre de patients qui ont besoin d’être hospitalisés, qui ont besoin de lit de soins intensifs. Et dans toute l’Inde les patients sont très nerveux, ont très peur parce qu’ils voient ces images venant d’autres parties du pays, et ils se demandent comment ils feront face s’ils sont infectés par une forme aiguë du Covid et qu’ils ont besoin, eux aussi, d’être hospitalisés.
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Que pensez-vous de cette aide des pays étrangers, qui vous envoient de l’oxygène ? Les États-Unis réfléchissent également à vous envoyer des doses de vaccins.
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Je pense que cela va vraiment nous aider que des pays du monde entier nous envoient de l’oxygène ou des appareils pouvant le générer. Nous espérons juste que ce sera dans des proportions aussi importantes que le demandent nos énormes besoins. Mais comme vous le savez, chaque goutte a son importance pour créer un océan. Nous, docteurs, nous avons ainsi de nombreuses manières d’économiser l’oxygène, par exemple en passant quand c’est possible aux concentrateurs d’oxygène, des machines électriques qui créent leur propre oxygène à partir de l’air, plutôt que de vider des bouteilles d’oxygène comprimé. Nous essayons aussi de pas ne laisser trop longtemps sous oxygène les patients qui vont mieux. Et nous utilisons notre excellent réseau ferroviaire pour emmener l’oxygène des endroits qui en ont à ceux qui en ont désespérément besoin. En espérant que tout cela nous permette de faire face à la crise actuelle.
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Les États-Unis réfléchissent également à vous envoyer des doses de vaccins.
C’est extrêmement important. Notre rythme de vaccination a été extrêmement lent, je pense que seuls 5% du pays ont été vaccinés jusqu’ici. Aujourd’hui nous savons que dans les pays qui ont énormément vacciné, la situation s’est améliorée. L’Inde est l’un des plus grands fabricants de vaccins, mais malheureusement nous ne sommes pas encore parvenus à vacciner une proportion significative de notre population. Donc, cela pourra certainement nous aider si nous pouvons importer des vaccins, parce que nous ne pouvons pas faire face à la demande actuelle. Et je ne pense pas que nous avons la capacité aujourd’hui d’augmenter suffisamment notre production. Donc, tout vaccin que nous enverraient les États-Unis serait plus que bienvenu, espérons-le dans des proportions qui permettront de faire la différence.
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