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(rfi.fr)Cinéma: «L’oubli que nous serons» de Fernando Trueba, l’amour plus fort que la mort.

 (rfi.fr)Cinéma: «L’oubli que nous serons» de Fernando Trueba, l’amour plus fort que la mort.

« L’oubli que nous serons » sort ce mercredi 9 juin sur les écrans en France, et dans quelques jours en Colombie. Le film du réalisateur espagnol Fernando Trueba est adapté du texte éponyme du romancier colombien Hector Abad Faciolince. Le poignant hommage d’un fils à son père, un douloureux exercice de mémoire et, au final, de réparation, dans lequel le réalisateur a inscrit ses pas. Un livre puis maintenant un film, sélectionné au Festival de Cannes l’an passé et récompensé en Espagne par le Goya du meilleur film latino-américain. Publicité

« Nous voilà devenus l’oubli que nous serons… Je pense avec espoir à cet homme Qui ne saura qui je fus ici-bas. Sous le bleu indifférent du Ciel Cette pensée me console. » Ce poème attribué à Jorge Luis Borgès, Hector Abad Faciolince l’a trouvé dans la poche de son père après son assassinat, à Medellin, en 1987. Médecin, spécialiste de santé publique (il fut le fondateur de l’École nationale de la santé publique et le premier à vacciner à grande échelle la population contre la polio qui faisait des ravages), pourfendeur d’injustice, Hector Abad Gomez, le père, était devenu gênant d’autant qu’il se mêla de politique, et en Colombie, alors et encore maintenant, un empêcheur de tourner en rond est une cible à liquider. 

Le romancier Hector Abad Faciolince n’aura eu de cesse de faire mentir les vers de Borgès et de rendre justice à son père, de ne pas permettre que l’oubli engloutisse son œuvre et son souvenir. Il lui aura fallu vingt ans pour écrire ces mémoires et beaucoup de larmes. « Hector Abad m’a dit qu’il avait pleuré pour écrire ce livre, de la première à la dernière page, et je le crois », nous confie le réalisateur, Fernando Trueba. Des larmes pour faire émerger les souvenirs de ce père si chéri. Hector Abad Faciolince en appelle à Borgès et au grand poète espagnol Jorge Manrique et à ces Stances sur la mort de son père en conclusion de son livre. « Souviens-toi âme endormie, réveilles-toi et vois comment se passe la vie et surviens la mort, par surprise… »

«L'oubli que nous serons», un film de Fernando Trueba avec Javier Camara, magistral dans le rôle du médecin colombien Hector Abad Gomez.
«L’oubli que nous serons», un film de Fernando Trueba avec Javier Camara, magistral dans le rôle du médecin colombien Hector Abad Gomez. JuanHurtado

Mais avant d’être une histoire de mort, le livre et le film sont une grande histoire d’amour. « Ce qui m’a touché c’est cet amour fou de l’enfant pour son père, quand on lui demande en quoi le livre l’a ému. C’est le rapport entre ces deux hommes dans cette maison de femmes – le petit Hector a cinq sœurs. C’est l’harmonie au sein de cette famille. Il y a un mélange de bonheur et de douleur qui te fait te sentir plein. » L’amour de l’enfant pour son père et réciproquement. « Tu m’aimes trop » reprochera en riant l’enfant à son père. Un père « libéral et tolérant » dont le principe d’éducation est « pour que ton enfant soit bon, rends-le heureux » ; un professeur qui encourage ses étudiants à questionner ; un citoyen engagé qui se déclare « chrétien en religion, marxiste en économie et libéral en politique ».

Un rôle magistral pour Javier Camara

L’acteur espagnol Javier Camara est inouï dans le rôle de ce père de famille. Il forme (dans le film) avec la mère Cecilia, interprétée par l’actrice colombienne Patricia Tamayo, un solide duo. Javier Camara ressemble d’ailleurs et physiquement et moralement au médecin colombien et il s’est imposé pour le rôle, tant au réalisateur qu’à la famille. Il a la même joie de vivre, le même enthousiasme du matin au soir, raconte Fernando Trueba, qui nous dit qu’après avoir lu le livre d’Hector Abad, il l’avait d’ailleurs offert à un certain nombre de personnes chères, dont Javier Camara alors que celui-ci partait pour quelques mois en Colombie sur le tournage de la série Narcos.

L'oubli que nous serons, un film de Fernando Trueba, qui met en scène une famille de Medellin est adapté du livre de souvenirs du même nom d'Hector Abad Faciolince, paru en 2006. Sur la photo, les comédiens Javier Camara et Patricia Tamayo qui interprètent les parents et leurs six enfants dans le film.
L’oubli que nous serons, un film de Fernando Trueba, qui met en scène une famille de Medellin est adapté du livre de souvenirs du même nom d’Hector Abad Faciolince, paru en 2006. Sur la photo, les comédiens Javier Camara et Patricia Tamayo qui interprètent les parents et leurs six enfants dans le film. JuanHurtado

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« La Colombie est un pays complexe que je ne peux pas prétendre connaître », admet humblement Fernando Trueba, évoquant pêle-mêle ses nombreux séjours là-bas pour des festivals ou des présentations de ses films (comme Calle 54 et Chico y Rita qui furent de grands succès publics), son admiration et son amitié pour le cinéaste et poète Victor Gaviria et les troubles actuels. La révolte aujourd’hui, elle est due au fait que « les gens n’en peuvent plus, ils rêvent d’un autre pays », de tourner la page de cette violence. 

Le film a été tourné à Medellin, la ville de Pablo Escobar, souvent filmée (notamment par Victor Gaviria) et devenue presque objet de cinéma, mais ici la ville est un cadre plus qu’un personnage. Les bidonvilles des hauteurs de la ville aux enfants mal nourris permettent au médecin d’appuyer sa démonstration : les conditions de vie des habitants sont indignes. Le quartier dans lequel vit la famille du petit Quinquín (Hector Abad fils) est paisible et bourgeois et les enfants y font du vélo en toute quiétude. Le livre est colombien, la production du film est colombienne, mais cette histoire d’amour est transposable, poursuit Fernando Trueba. « Ici, le contexte historique est important dans la mesure où il enrichit et particularise une histoire déjà particulière, mais ça aurait pu être pendant la guerre civile en Espagne ou pendant l’occupation en France. » 

« La mémoire est un miroir opaque et brisé »

Si le livre a un déroulé chronologique linéaire, Fernando Trueba introduit une rupture dans son film. « La mémoire est un miroir opaque et brisé », écrit Hector Abad, faite « d’intemporels coquillages de souvenirs éparpillés sur une plage d’oublis ». La construction dramatique du film s’affranchit de la chronologie du livre. Il s’ouvre en noir et blanc, en Italie où le jeune Hector fit ses études littéraires, avant de basculer dans la petite enfance du garçon, en couleurs, dans un flash-back magistral, une séquence qui illustre la complicité entre le père et le fils.

Les couleurs chaudes, à tonalités dorées et fauves, racontent alors la chaleur de cette famille aimante et bouillonnante. Quand on lui demande pourquoi ce choix, Fernando Trueba en appelle à l’intuition. « Avant que tu te lances dans le film, celui-ci existe dans ta tête pendant des mois et des mois, tu ne peux pas le projeter, mais tu le vois quand tu fermes les yeux. Et quand je fermais les yeux, je voyais que certaines scènes étaient en couleur et d’autres en blanc et noir. Mais au lieu de faire un examen rationnel de ça, je me suis laissé emporter par l’intuition par ce que je sentais, par ce que je ressentais. Il n’y a pas d’approche conceptuelle : je vais filmer de telle manière pour avoir tel effet… Ça ne marche pas comme ça dans l’art, dans le cinéma. Peut-être pour d’autres métiers ? Quand tu fais du cinéma, le film doit t’emporter. C’est l’intuition, le désir et le rêve qui mènent la danse. » Et son intuition lui suggérait d’utiliser ces contrastes de couleur pour rendre sensible au spectateur le changement d’époque, d’atmosphère à la fois dans la famille (avec la mort de sa sœur Marta) et dans la société. Le noir et blanc signifie la fin de l’âge d’or de l’enfance, la perte de l’innocence, la bascule dans l’âge adulte du petit Hector. 

La culture, la beauté permettent de s’extraire de la brutalité du monde – comme le fait le médecin en écoutant de la musique dans son bureau-refuge ou en regardant le film Mort à Venise de Visconti. Et l’art permet sinon de guérir les blessures, du moins de les cicatriser, écrit Hector Abad Faciolince. Ce film est autant que le livre une entreprise de remémoration et de réparation, conclut Fernando Trueba qui a rencontré toute la famille du médecin assassiné. L’écrivain a accompagné la gestation du film et son tournage ; la fille d’Hector Abad, la documentariste Daniela Abad – qui a aussi travaillé sur la vie de son grand-père dans le film Carta a una sombra (2015) – était scripte sur le film. « Finalement, avec le livre et le film, Hector Abad Gomez a gagné la bataille et la guerre, même s’il est mort », résume Fernando Trueba. https://player.vimeo.com/video/538754761

kadi

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