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(rfi.fr)Pensionnats autochtones au Canada: une prise de conscience tardive.

 (rfi.fr)Pensionnats autochtones au Canada: une prise de conscience tardive.

La localisation, depuis un mois, de plus d’un millier de restes d’enfants sur les sites d’anciens pensionnats autochtones a créé une onde de choc dans tout le Canada et assombri la fête nationale, le 1er juillet. Pourtant, le fort taux de mortalité dans ces établissements était connu de longue date. Publicité

Le Canada a finalement ouvert les yeux, il y a un mois, sur l’une des pages les plus sombres de son histoire. Le 28 mai, la communauté autochtone Tk’emlúps te Secwépemc a révélé les résultats d’une étude de sol autour du pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique. 215 restes d’enfants ont été localisés, grâce à un géo-radar, dans ce qui fut un temps la plus grande « école résidentielle » du pays, autrement dit un pensionnat réservé aux élèves autochtones. Certains avaient à peine 3 ans. Les recherches se poursuivent dans d’autres pensionnats. 751 autres sépultures anonymes ont été retrouvées à Marieval et 182 à Cranbrook, toujours dans l’ouest du Canada.

Depuis ces annonces, le pays est en deuil. Certaines municipalités ont choisi d’annuler la Fête du Canada, le 1er juillet. Le drapeau canadien de la tour de la Paix à Ottawa est resté en berne, à la demande du Premier ministre Justin Trudeau, qui a présenté les excuses du Canada et réclamé celles du Vatican.

« Le plus choquant, c’est que certaines personnes semblaient n’avoir aucune idée de ce qui s’était passé, alors que les communautés autochtones en parlaient depuis des décennies », commente le Dr Samir Shaheen-Hussain, pédiatre urgentiste, professeur adjoint à la Faculté de médecine de l’Université McGill. « Le cimetière du pensionnat de Marieval était connu, il y avait d’ailleurs des pierres tombales jusque dans les années 1970. Mais il a fallu ces analyses au géo-radar pour qu’on comprenne qu’il y avait vraiment des enfants sous terre », s’étonne tristement Marie-Pierre Bousquet, professeure au département d’anthropologie de l’université de Montréal et directrice du programme en études autochtones.

Le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1996

Les familles autochtones, ainsi que plusieurs rapports publiés depuis la fin des années 1990, faisaient pourtant état de nombreuses disparitions inexpliquées dans ces 139 pensionnats ouverts depuis la fin du XIXème siècle. Le dernier a fermé ses portes en 1996. En tout, 150 000 enfants ont été arrachés à leur famille et scolarisés dans ces établissements gérés par les églises – le plus souvent l’Eglise catholique – au nom de l’État fédéral. L’objectif assumé était de les assimiler à la culture dominante, de les « civiliser ».

Jimmy Papatie avait 5 ans, à la fin des années 1960, lorsqu’il a dû quitter son village et intégrer le pensionnat d’Amos, au Québec. « On a mis tous les enfants à l’intérieur de l’autobus. Tout le monde pleurait », se rappelle cet ancien chef algonquin. Aujourd’hui, il se présente comme un survivant. Il raconte l’abandon forcé de sa langue maternelle, de son identité, mais aussi les mauvais traitements et les viols. « On était devenu un parc d’enfants où les agresseurs pouvaient sélectionner qui ils voulaient. Dans mon groupe, on était une trentaine de jeunes dans notre dortoir. Une vingtaine ont subi des abus. On est tous sortis brisés », confie-t-il lors d’un entretien téléphonique.

Au moins 4 000 enfants ne sont jamais rentrés

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Un rapport accablant, publié en 2015 par la Commission de Vérité et Réconciliation, confirme l’étendue des agressions sexuelles au sein des pensionnats autochtones. Il évalue aussi à plus de 4 000 le nombre d’enfants qui ne sont jamais rentrés chez eux. Les familles n’étaient la plupart du temps pas prévenues de ces décès. Dès 1907, le médecin-chef du ministère des Affaires indiennes du Canada alertait l’État fédéral du fort taux de mortalité au sein de ces pensionnats.

« La grande majorité des décès étaient en lien avec la tuberculose ou d’autres maladies respiratoires et infectieuses », précise le Dr Samir Shaheen-Hussain, auteur de Plus aucun enfant autochtone arraché. Pour en finir avec le colonialisme médical canadien. Il ajoute que « des expériences ont été réalisées sur ces enfants, mal nourris de façon systématique » dans ces écoles résidentielles.

Beaucoup de décès risquent de rester inexpliqués, car des dossiers ont été détruits ou ont disparu. La pression s’accentue sur les congrégations religieuses pour qu’elles ouvrent leurs registres et lèvent le voile sur le sort de ces enfants. « Il y a toujours des archives auxquelles nous n’avons pas accès, note Marie-Pierre Bousquet. On ne sait pas où elles sont. Pour les congrégations féminines notamment, très peu d’archives ont été rendues publiques. »

Une équipe fait des recherches radar sur le terrain où on été découvertes 751 tombes d'enfants autochtones à proximité du pensionnat de Marieval dans la province du Sashkatchewan au Canada.
Une équipe fait des recherches radar sur le terrain où on été découvertes 751 tombes d’enfants autochtones à proximité du pensionnat de Marieval dans la province du Sashkatchewan au Canada. via REUTERS – FSIN

« Cela a réveillé des traumatismes »

« Pour l’instant, l’idée est de localiser les cimetières et les fosses communes », ajoute la spécialiste des questions autochtones canadiennes. « Certaines familles attendent cela depuis des années. Les informations autour de la disparition d’un enfant ont été transmises aux frères et sœurs, voire aux petits-enfants. Ces familles veulent savoir si leur proche est vraiment mort dans le pensionnat, s’il y a une chance qu’il soit enterré là-bas. »

Le gouvernement fédéral a débloqué 27 millions de dollars sur trois ans pour poursuivre « la collecte de connaissances sur les enfants décédés dans les pensionnats et leurs lieux de sépulture ». Pour l’ancien pensionnaire Jimmy Papatie, les découvertes de ces dernières semaines ont ravivé les blessures. « C’est sûr que cela a réveillé des traumatismes. Parce que nous, on a eu la chance de rentrer à la maison. Ça vient nous ébranler émotionnellement. Même nos enfants qui n’ont jamais connu ces pensionnats ressentent notre douleur », explique le quinquagénaire. Aujourd’hui, il réclame la fin de l’impunité et l’ouverture d’une enquête criminelle.

kadi

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