l'infos du monde de dernières minutes 7j/7

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(Ri)La longue et sinueuse route multipolaire

 (Ri)La longue et sinueuse route multipolaire

Lors du centenaire du Parti communiste, le dirigeant chinois évoque la menace d’une « grande muraille d’acier », que la Russie fortifierait en cas de conflit avec l’Occident.

Nous vivons une époque extraordinaire.

Le jour du 100ème anniversaire du Parti communiste chinois (PCC), le président Xi Jinping, sur la place Tiananmen, en grande pompe, a délivré un message géopolitique brutal :

Le peuple chinois ne permettra jamais aux forces étrangères de l’intimider, de l’opprimer ou de le subjuguer. Quiconque tentera de le faire se retrouvera sur une trajectoire de collision avec un grand mur d’acier forgé par plus de 1,4 milliard de Chinois.

J’ai proposé une version concise du miracle chinois moderne – qui n’a rien à voir avec une intervention divine, mais avec la « recherche de la vérité à partir des faits » (copyright Deng Xiaoping), inspirée par une solide tradition culturelle et historique.

La « grande muraille d’acier » évoquée par Xi imprègne désormais une « société modérément prospère » dynamique – un objectif atteint par le PCC à la veille de son centenaire. Sortir plus de 800 millions de personnes de la pauvreté est une première historique – à tous égards.

Comme dans tout ce qui concerne la Chine, le passé détermine l’avenir. Il s’agit du xiaokang, que l’on peut traduire librement par « société modérément prospère ».

Ce concept est apparu pour la première fois il y a pas moins de 2 500 ans, dans le classique Shijing (« Le livre de la poésie »). Le petit Timonier Deng, avec son œil d’aigle historique, l’a fait revivre en 1979, juste au début des réformes économiques « d’ouverture ».

Comparez maintenant la percée célébrée à Tiananmen – qui sera interprétée dans tout le Sud global comme la preuve du succès du modèle chinois de développement économique – avec les images qui circulent des Talibans chevauchant des chars T-55 capturés dans des villages pauvres du nord de l’Afghanistan.

L’histoire se répète : c’est quelque chose que j’ai vu de mes propres yeux il y a plus de vingt ans.

Les Talibans contrôlent aujourd’hui presque la même quantité de territoire afghan qu’ils contrôlaient juste avant le 11 septembre. Ils contrôlent la frontière avec le Tadjikistan et se rapprochent de la frontière avec l’Ouzbékistan.

Il y a exactement vingt ans, j’étais au cœur d’un autre voyage épique à travers Karachi, Peshawar, les zones tribales du Pakistan, le Tadjikistan et enfin la vallée du Panjshir, où j’ai interviewé le commandant Massoud, qui m’a dit que les Talibans contrôlaient alors 85% de l’Afghanistan.

Trois semaines plus tard, Massoud a été assassiné par un commando lié à Al-Qaida et déguisé en « journalistes » – deux jours avant le 11 septembre. L’empire – à l’apogée du moment unipolaire – s’est lancé dans les guerres éternelles à outrance, tandis que la Chine – et la Russie – s’efforçaient de consolider leur émergence, sur le plan géopolitique et géoéconomique.

Nous vivons aujourd’hui les conséquences de ces stratégies opposées.

Ce partenariat stratégique

Le président Poutine vient de passer trois heures et cinquante minutes à répondre en direct aux questions non présélectionnées des citoyens russes lors de sa session annuelle « Ligne directe ». L’idée que les « leaders » occidentaux du type Biden, BoJo, Merkel et Macron soient capables de gérer quelque chose d’un tant soit peu similaire, sans scénario, est risible.

Le point essentiel à retenir : Poutine a souligné que les élites américaines comprennent que le monde change, mais qu’elles veulent préserver leur position dominante. Il l’a illustré par la récente cabriole britannique en Crimée, tout droit sortie d’un sketch des Monty Python, une « provocation complexe » qui était en fait anglo-américaine : un avion de l’OTAN avait auparavant effectué un vol de reconnaissance. Poutine : « Il était évident que le destroyer est entré [dans les eaux de Crimée] en poursuivant des objectifs militaires ».

En début de semaine, Poutine et Xi ont tenu une vidéoconférence. L’un des points clés était assez important : la prolongation du traité Chine-Russie de bon voisinage et de coopération amicale, initialement signé il y a 20 ans.

Une disposition clé : « Lorsque survient une situation dans laquelle l’une des parties contractantes estime […] qu’elle est confrontée à une menace d’agression, les parties contractantes organisent immédiatement des contacts et des consultations afin d’éliminer ces menaces ».

Ce traité est au cœur de ce qui est désormais officiellement décrit – par Moscou et Pékin – comme un « partenariat stratégique global de coordination pour une nouvelle ère ». Une définition aussi large est justifiée car il s’agit d’un partenariat complexe à plusieurs niveaux, et non d’une « alliance », conçu comme un contrepoids et une alternative viable à l’hégémonie et à l’unilatéralisme.

Un exemple concret est fourni par l’interpolation progressive de deux stratégies de commerce/développement, l’Initiative Ceinture et Route (BRI) et l’Union économique eurasiatique (UEE), dont Poutine et Xi ont à nouveau discuté, en relation avec l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), qui a été fondée seulement trois mois avant le 11 septembre.

Il n’est donc pas étonnant que l’un des temps forts de la semaine à Pékin ait été les négociations commerciales entre la Chine et quatre « stans » d’Asie centrale, tous membres de l’OCS.

« Le « droit » et la « règle »

La feuille de route de la multipolarité a été esquissée dans un essai du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov qui mérite un examen attentif.

Lavrov passe en revue les résultats des récents sommets du G7, de l’OTAN et des États-Unis et de l’UE avant le sommet Poutine-Biden à Genève :

« Ces réunions ont été soigneusement préparées d’une manière qui ne laisse aucun doute sur le fait que l’Occident voulait envoyer un message clair : il est uni comme jamais auparavant et fera ce qu’il croit être juste dans les affaires internationales, tout en forçant les autres, principalement la Russie et la Chine, à suivre son exemple. Les documents adoptés lors des sommets de Cornouailles et de Bruxelles ont cimenté le concept d’ordre mondial fondé sur des règles en tant que contrepoids aux principes universels du droit international dont la Charte des Nations unies est la source principale. Ce faisant, l’Occident s’abstient délibérément d’énoncer les règles qu’il prétend suivre, tout comme il s’abstient d’expliquer pourquoi elles sont nécessaires ».

En écartant la façon dont la Russie et la Chine ont été qualifiées de « puissances autoritaires » (ou « illibérales », selon le mantra favori de New York-Paris-Londres), Lavrov brise l’hypocrisie occidentale :

« Tout en proclamant le « droit » de s’immiscer dans les affaires intérieures des autres pays au nom de la promotion de la démocratie telle qu’il la conçoit, l’Occident perd instantanément tout intérêt lorsque nous évoquons la perspective de rendre les relations internationales plus démocratiques, notamment en renonçant à un comportement arrogant et en s’engageant à respecter les principes universellement reconnus du droit international plutôt que les ‘règles’ ».

Cela fournit à Lavrov une ouverture pour une analyse linguistique de « loi » et « règle » :

« En russe, les mots « loi » et « règle » partagent une même racine. Pour nous, une règle qui est authentique et juste est inséparable de la loi. Ce n’est pas le cas des langues occidentales. Par exemple, en anglais, les mots « law » et « rule » ne se ressemblent pas du tout. Vous voyez la différence ? « Rule » ne désigne pas tant la loi, au sens des lois généralement admises, que les décisions prises par celui qui règne ou gouverne. Il convient également de noter que le mot « règle » partage une seule et même racine avec le mot « règle », ce dernier signifiant notamment l’appareil courant servant à mesurer et à tracer des lignes droites. On peut en déduire qu’à travers son concept de « règles », l’Occident cherche à aligner tout le monde sur sa vision ou à appliquer le même critère à tout le monde, afin que tous se rangent dans une même file ».

En un mot : la voie de la multipolarité ne suivra pas les « ultimatums ». Le G20, où les BRICS sont représentés, est une « plateforme naturelle » pour des « accords mutuellement acceptés ». La Russie, pour sa part, est à l’origine d’un partenariat pour la grande Eurasie. Et un « ordre mondial polycentrique » implique la nécessaire réforme du Conseil de Sécurité de l’ONU, « en le renforçant avec des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ».

Les maîtres de l’unilatéralisme emprunteront-ils cette voie ? Il faudra leur passer sur le corps : après tout, la Russie et la Chine sont des « menaces existentielles ». D’où notre angoisse collective, spectateurs sous le volcan.

Ibrahima Diallo

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