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(rfi)Rachel Carson, une écrivaine à la naissance de l’écologie

 (rfi)Rachel Carson, une écrivaine à la naissance de l’écologie

Biologiste marine, écrivaine, Rachel Carson, amoureuse de la mer et de l’humanité, a su enchanter la science par une écriture à la fois précise et poétique. À partir des années 1950, observant les dégâts des pesticides de synthèse sur l’environnement, la scientifique Rachel Carson, militante du mouvement écologiste naissant, écrit Printemps silencieux, un livre magistral qui conduira à l’interdiction du DDT aux États-Unis en 1972.

Rachel Carson est née en 1907. Toute jeune, influencée par sa mère qui lui enseigne l’Histoire naturelle – les nature studies, issues du mouvement américain de la fin du XXe siècle, qui visent à réconcilier la science et l’expérience spirituelle personnelle de la nature –, Rachel Carson s’est passionnée pour la nature et commence, à 8 ans, à écrire des nouvelles sur les animaux. Ces histoires l’amèneront à obtenir un 1er prix de littérature à 11 ans.

C’est dans ce contexte que s’épanouit sa vocation de future biologiste marine.

Au sortir de ses études à l’Université John Hopkins en 1932, elle est l’une des premières femmes titulaires d’un Master de biologie. Mais en 1935, la mort de son père la contraint à abandonner la carrière scientifique pour assumer la fonction de soutien de famille.

La mer autour de nous

Cherchant du travail, Rachel Carson réussit le concours de biologiste aquatique qui lui permet d’entrer au Bureau américain des pêcheries. Son rôle est de lire toute la littérature scientifique produite sur la mer, pour écrire des chroniques publiées dans le bulletin des pêcheries : « Sa carrière d’écrivain scientifique a commencé comme ça, raconte Baptiste Lanaspèze, l’éditeur français des livres de Rachel Carson. Elle avait un vrai talent d’écriture, du génie, même, et le directeur d’un grand magazine l’a repérée. »

À partir de ce moment, Rachel Carson rédige des articles pour des magazines et devient « la grande pédagogue de la mer ». Son premier livre, Sous le vent de la mer, édité en 1941, passe inaperçu, mais le deuxième, La mer autour de nous, paru en 1950, est un énorme succès. C’est alors la plus vaste synthèse des connaissances scientifiques sur l’océan, dont l’écriture lyrique rend la lecture facile et captivante. Encore aujourd’hui, les biologistes marins de Tara Océans, consultés à la réédition du livre, considèrent que 90% de ses informations sont toujours d’actualité. Un troisième volume viendra compléter la trilogie en 1955 : Au bord de la mer.

Un printemps silencieux

À partir de 1950, le succès littéraire de Rachel Carson lui permet de quitter le Bureau des pêcheries pour se consacrer exclusivement à l’écriture, et elle se lance dans une grande enquête sur les ravages des pesticides et des herbicides chimiques – qu’elle nommera « biocides », littéralement « tueurs de la vie » – sur l’environnement et la santé.

Alors que l’écologie, qui tisse les liens entre les organismes et leur environnement, est une science débutante, les observations de Rachel Carson démontrent que les pesticides organochlorés, dont le DDT – dichlorodiphényltrichloroéthane -, tuent de façon non sélective tous les insectes, contaminent les oiseaux, les poissons, et par l’alimentation notamment, les humains : « Nous pulvérisons les ormes, et aux printemps suivants, nul merle ne chante, non qu’il ait été touché directement, mais parce que le poison a fait son chemin, pas à pas, de la feuille de l’orme au vers, puis du vers au merle », écrit-elle dans son livre Un printemps silencieux paru en 1962.

La parution de Printemps silencieux se double d’une série dans le magazine New Yorker, où il est sélectionné « livre du mois ». Le style de Rachel Carson lui permet de toucher un large public et son livre restera sur la liste des bestsellers du New York Times pendant plusieurs mois.

Née en 1907, Rachel Carson grandit dans la campagne du Maryland.

Une bataille houleuse

Dès la sortie de Printemps silencieux, bien que Rachel Carson ne préconise pas l’interdiction de tous les pesticides mais une utilisation réfléchie, l’industrie chimique s’acharne à discréditer l’autrice : « Ce livre la mène dans une bataille internationale contre les lobbies colossaux qui fabriquent ces produits chimiques. déclare Baptiste Lanaspèze, Mais pendant 10 ans, Rachel Carson a affuté ses armes, pesé chaque mot qu’elle a écrit pour être inattaquable au plan juridique. »

Rachel Carson, malade d’un cancer du sein, contre-attaque pour défendre son travail mais n’a pas la force de mener une campagne de presse avec son éditeur. Elle a préféré cacher sa maladie jusqu’à la sortie du livre, pour que dans cette période d’industrie dominante, on ne puisse pas la discréditer en parlant d’« un livre écrit par une femme en détresse » ; chaque chapitre a donc été relu par des scientifiques avant publication.

Elle est alors invitée à témoigner devant le Congrès et l’État américain lance une contre-enquête qui confirmera tout ce qu’elle a écrit.

Rachel Carson décède en 1964, mais son travail contribuera à la création de l’Agence de Protection de l’Environnement des États-Unis en 1970, puis à l’interdiction du DDT en 1972.

Une dimension sociale et philosophique

Socialement et politiquement, Printemps silencieux a résonné dans le monde entier.

À une époque où l’agriculture des pays du Nord s’industrialisait en utilisant des produits chimiques issus de la Seconde Guerre mondiale, Rachel Carson critiquait un modèle de société et, suite à la parution de son livre, l’écologie est devenue un mouvement social.

Les idées de Rachel Carson auront également influencé la philosophie : Arne Naess (1912-2009), le philosophe de l’Écologie profonde – par opposition à l’écologie superficielle, qui a pour but unique la préservation des ressources en faveur du développement des pays riches -, déclarera (dans ses conversations avec David Rothenberg parues en 1992) que « la véritable fondatrice de l’écologie profonde, c’est Rachel Carson ».

Constatant aujourd’hui les effets délétères des pesticides de synthèse sur l’environnement, on peut relire la conclusion de Printemps silencieux : « Vouloir contrôler la nature est une arrogante prétention. […] Le malheur est qu’une si primitive pensée dispose actuellement des moyens d’action les plus puissants, et qu’en orientant ses armes contre les insectes, elle les pointe aussi contre la terre. »

Ibrahima Diallo

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