Un TGV pour le lieu de naissance du dieu Ram. C’est ce que le gouvernement nationaliste hindou a annoncé cette semaine. Quelque 670 kilomètres de rail, 25 milliards d’euros d’investissement pour relier la capitale New Delhi à Ayodhya, cité de seulement 50 000 habitants. Une bourgade en Inde ! Alors, pourquoi un tel projet ? Publicité
De notre correspondant à Bangalore,
Il y a de quoi être étonné lorsqu’on sait que l’Inde ne dispose toujours d’aucun TGV opérationnel. Mais en réalité ce n’est pas si surprenant si l’on considère l’importance historique et politique de cette petite ville pour le parti BJP au pouvoir.
Le destin de toute l’Inde s’est joué à plusieurs reprises autour d’Ayodhya. Il faut d’abord revenir à la fin du XXe siècle. Les nationalistes hindous ne sont alors pas encore au pouvoir mais diffusent leur idéologie par le biais de mouvements extrémistes. Parmi leurs demandes : la reconquête du lieu de naissance du dieu soleil Ram, en lieu et place d’une mosquée, à Ayodhya. En 1992, de gigantesques émeutes intercommunautaires y font 2000 morts et la mosquée est détruite.
Il faudra attendre 2019 pour que la Cour suprême indienne attribue le site disputé aux hindous. Le Premier ministre Narendra Modi, qui a joué peu avant sa réélection sur la promesse d’un temple géant dédié à Ram, triomphe alors aux yeux de beaucoup de ses supporters.
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Un projet pour galvaniser la base électorale de Narendra Modi ?
Officiellement, il s’agit d’inscrire Ayodhya sur la carte du tourisme mondial en reliant le futur temple à la capitale en deux heures, au lieu de quinze heures actuellement. La ligne desservira aussi d’autres villes. Et en plus du TGV à 25 milliards, un aéroport qui porte le nom du dieu Soleil est en construction pour la petite ville sainte.
Au-delà du développement du tourisme, il y a bien évidemment un symbole politique très fort. Avec une économie en berne, une gestion de la pandémie critiquée, Narendra Modi est dans une mauvaise passe dans les sondages. Concentrer l’attention sur Ayodhya et les questions religieuses, c’est un bon moyen de fédérer ses troupes.
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Et puis, les élections arrivent en février dans l’Uttar Pradesh. On y trouve la ville sainte de Varanasi, la ville sainte d’Ayodhya et c’est le plus peuplé des États Indiens. Le BJP doit à tout prix conserver le contrôle de ce cœur battant de l’hindouisme. En cas de défaite, le signal serait catastrophique pour les élections nationales 2024.
Les grandes annonces dans cet État préparent donc une bataille électorale décisive. D’autres promesses sont d’ailleurs attendues aujourd’hui.
Effet réussi auprès de la population
Il faudra sept ans minimum pour construire cette ligne de train, mais l’effet semble d’ores et déjà réussi. Beaucoup d’internautes expriment leur joie à l’idée d’un tel projet et tous les médias ont relayés la nouvelle. Même au niveau politique, aucune voix ne s’élève pour questionner le prix ou le bien fondé de cet investissement.
Après tant de disputes, il y a comme une sorte d’union nationale, ou de tabou, autour d’Ayodhya. En ce sens, ce TGV montre une chose : si Narendra Modi est contesté sur le plan économique ou sanitaire, son agenda religieux continue à dominer l’imaginaire en Inde.
Bullet train proposed between Delhi-Ayodhya, aim to put city on ‘world map for tourism’
Jai Sree Ram🚩 pic.twitter.com/D11ahduGen— Vikas Chopra🇮🇳 (@Pronamotweets) August 22, 2021