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(rfi.fr)Démission du Premier ministre soudanais: « Abdallah Hamdok était maintenant pris entre deux feux »

 (rfi.fr)Démission du Premier ministre soudanais: « Abdallah Hamdok était maintenant pris entre deux feux »

Après une nouvelle journée de mobilisation contre la confiscation du pouvoir par les militaires, le Premier ministre Abdallah Hamdok, visage civil de la transition au Soudan, a annoncé sa démission dimanche 2 janvier, plus de deux mois après un coup d’État suivi d’une répression qui a fait 56 morts dans le pays. Qu’est-ce que cela préfigure pour le pays ? 

Abdallah Hamdok était considéré comme un « traître » par les manifestants pro-démocratie depuis qu’il avait accepté de revenir à son poste le 21 novembre dernier, moins d’un mois après le coup de force du général Abdel Fattah al-Burhan. Depuis l’indépendance du Soudan il y a 65 ans, les manifestants le clament : ils ne veulent « ni partenariat, ni négociation » avec l’armée. L’analyse de Marc Lavergne, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste du Moyen-Orient et de la Corne de l’Afrique. 

RFI : Cette démission était écrite, depuis qu’Abdallah Hamdok a accepté de reprendre son poste, un mois après le coup de force du général, ou bien c’est une surprise ?

Marc Lavergne : Je crois que c’était attendu, dans la mesure où Abdallah Hamdok était maintenant pris entre deux feux, entre la rue qui refusait toute suggestion par rapport aux militaires et qui voyait que cette transition n’aboutissait à rien, puisque le pays ne s’était pas redressé sur le point économique et que les militaires étaient toujours là avec une chape de plomb qui contrôlaient d’une part la vie économique et d’autre part la vie politique. Il y a eu des manœuvres qui ont permis aux militaires de récupérer certains groupes rebelles de leur côté, de faire ressortir les islamistes de l’ancien régime et de leur redonner une place, ainsi que les vieux partis politiques assez démonétisés comme le parti Oumma.

Donc, Il y avait une sorte de cul-de-sac dans lequel se trouvait le Premier ministre et il a tiré cette conclusion, en jetant l’éponge, ce qui était attendu depuis le début car il avait accepté de servir de vitrine aux militaires pour finalement donner, à cette révolution soudanaise, une image très positive en Occident et donc obtenir que soient levées des sanctions, que l’argent revienne mais au détriment finalement de la population.

Ce départ du gouvernement civil n’est-il pas un coup dur aussi pour les militaires ?

Disons qu’ils ont joué cette carte parce qu’ils ont été soumis à une certaine pression de la part de l’ONU, des Etats-Unis et de l’Europe pour faire sortir Abdallah Hamdok de sa résidence surveillée, mais sans lui donner les moyens d’agir. Il y avait une contradiction radicale : les militaires veulent rétablir le régime d’Omar el Béchir, ce qui est tout à fait contraire à ce que voulait la rue. Ils ont essayé d’utiliser Hamdok jusqu’au dernier moment mais Hamdok n’avait plus aucune crédibilité et donc il en a tiré les leçons. Peut-être que les militaires vont maintenant nommer eux-mêmes un nouveau Premier ministre qui sera issu d’une opposition civile, sans doute à tonalité religieuse, en tout cas très conservatrice et qui ne touchera pas aux intérêts des militaires.

Y a t-il encore des candidats pour occuper ce poste parmi les partisans de la démocratie au Soudan qui seraient prêts à partager le pouvoir avec les militaires ?

Oui. Je pense qu’il y a des groupes qui ont signé des sortes d’accords ou qui ont repris langue avec les militaires. Je pense à Fadlallah Burma Nasir qui est le chef du parti Oumma, qui est le vieux parti historique qui a gouverné le Soudan depuis l’indépendance. Ces gens-là sont prêts parce que leurs intérêts sont en jeu et ils ont beaucoup d’intérêts communs avec les militaires. Ils tiennent une partie de l’économie, du commerce, du commerce de bétail en particulier. Ils ont de grandes propriétés. Ilssont aussi acceptables par l’Arabie Saoudite et les Emirats qui sont derrière tout cela finalement, et aussi par l’Egypte du Maréchal Al-Sissi.

Quel bilan peut-on dresser du passage au pouvoir d’Abdallah Hamdok ? Avant d’être considéré comme un traître par la rue, depuis qu’il était revenu au pouvoir fin novembre, il avait été très populaire ?

C’est quelqu’un de tout à fait respectable, honorable, compétent mais il a manqué sans doute de caractère, de la force de caractère qu’il fallait pour s’imposer face aux militaires. Il a été soutenu par les Occidentaux mais cela a été finalement, je dirais le baiser du diable, tous ces accords qui ont levé une partie de la dette soudanaise mais qui ont, en même temps, contraint le pays de prendre des mesures d’austérité radicale que la population ne pouvait pas supporter, c’est-à-dire l’effondrement de la monnaie, la suppression des subventions aux produits de première nécessité… Il a donc perdu toute crédibilité et tout soutien populaire en même temps qu’il perdait aussi le soutien de l’armée parce que finalement il n’était plus tellement crédible sur les scènes internationale et intérieure.

À quoi est-ce qu’il faut s’attendre au Soudan pour les prochains temps ? À une radicalisation des positions entre démocrates et militaires ? Est-ce qu’il va y avoir une intensification de la répression ?

Je pense que les jeux sont faits. La rue continue à manifester avec beaucoup de courage et de détermination. Il y a les syndicats professionnels qui organisent tout cela parce que le Soudan est un pays qui a une vieille tradition politique avec des partis, des syndicats et des mouvements qui sont diffus dans la société.  Mais tout cela ne fait pas le poids par rapport aux militaires qui sont soutenus par les pays que je viens de citer dans la région, mais aussi par la Russie et par la Chine.

houssainatou

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