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(rfi)Xi Jinping au Kazakhstan: Pékin veut renforcer son influence en Asie centrale

 (rfi)Xi Jinping au Kazakhstan: Pékin veut renforcer son influence en Asie centrale

Le président chinois, Xi Jinping, n’avait pas quitté son pays depuis le début de la pandémie de Covid-19. Il est ce 14 septembre au Kazakhstan, avant de rencontrer Vladimir Poutine à Samarcande, en Ouzbékistan.

C’est un voyage en deux temps pour Xi Jinping, avec un sommet bilatéral Chine-Russie en Ouzbékistan et une rencontre avec le président Poutine, probablement jeudi 15 septembre, qui éclipse le reste. Et c’est dommage, car ce choix de l’Asie centrale est loin d’être innocent. Depuis les indépendances de ces pays de l’ex-Union soviétique, Pékin a beaucoup investi dans la région. C’est là que Xi Jinping avait lancé le projet des « nouvelles routes – et surtout d’ailleurs des rails – de la soie » en 2013.

Le Kazakhstan est l’un des voisins les plus importants de la Chine. La deuxième économie du monde soutient là-bas une cinquantaine de projets qui doivent s’achever l’année prochaine. On parle de près de 24 milliards d’euros.  

Créer de l’emploi localement

Le contexte ukrainien inquiète, c’est rien de le dire. L’invasion de l’Ukraine a gêné les capitales d’Asie centrale. On se souvient de l’intervention des troupes russes au Kazakhstan en janvier dernier suite à des émeutes. C’était à la demande du président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev, mais le pouvoir chinois semblait alors avoir été pris par surprise.

Il s’agit pour Pékin de reprendre la main, souligne Temur Umarov, spécialiste de la Chine et de l’Asie centrale à la fondation Carnegie : « Cette première sortie de Xi Jinping est pour Pékin une façon de faire passer le message : la Chine considère toujours l’Asie centrale comme une priorité. Elle veut être considérée comme un pays puissant, avec un poids élargi au Kazakhstan et dans la région. Et elle ne veut pas être cantonnée aux seules relations économiques. » 

La Chine entend changer d’image dans la région. Il faut ainsi relancer les « routes de la soie » affectées par l’invasion de l’Ukraine, avec en plus des investissements dans des entreprises qui embauchent localement et plus seulement dans l’énergie et les chantiers d’infrastructures, même si le Kazakhstan reste un exportateur important de pétrole. Jusqu’à présent, c’est la Russie qui s’occupait de la sécurité en Asie centrale et la Chine qui signait les chèques.  

Le pape François à Nur-Sultan

Sans froisser le nouveau meilleur ami russe, Pékin entend étendre son influence dans la région. Et peut-être, pourquoi pas, croiser le pape François qui est aussi à Nur-Sultan ?

Décidément, il y a du monde ces jours-ci dans les steppes d’Asie centrale. Signe de cette influence renforcée : Pékin a envoyé 150 Hongqi à Samarcande, selon les médias d’État. Toute une flotte de limousines « drapeaux rouges », les voitures officielles chinoises, pour la conférence de l’OCS.     

Le refus d’un monde unipolaire

En effet, ce jeudi 15 et vendredi 16 septembre a lieu en Ouzbékistan la conférence de l’Organisation de coopération de Shanghai, dont font partie la Chine, la Russie, les Républiques d’Asie centrale, l’Inde, le Pakistan et l’Iran. Certains y voient un « front du refus » des démocraties occidentales, une sorte d’anti-G7, le refus d’un monde unipolaire, l’établissement d’un nouvel ordre mondial… Évidement, la propagande chinoise et russe ne le disent pas comme ça, on parle d’œuvrer pour un « monde juste ».

L’idée est aussi de contrer le narratif des démocraties occidentales et, pour Moscou et Pékin, de se serrer les coudes face aux États-Unis et à leurs alliés. En même temps, ce sommet arrive alors que les troupes russes perdent du terrain en Ukraine. Pékin calibre donc son soutien à la Russie au millimètre. Et puis, rien ne dit que les autres suivent sur ce « front du refus ». Le coordinateur ouzbek pour l’Organisation de coopération de Shanghai a prévenu : « L’OCS n’a pas été créée contre l’Occident », a affirmé Rakhamatulla Nurimbetov.   « Aucun pays d’Asie centrale n’est prêt à signer un mémorandum stipulant la création d’un front uni contre l’Occident » Entretien avec Temur Umarov, spécialiste de la Chine et de l’Asie centrale à la fondation Carnegie

RFI :  Cette visite au Kazakhstan, puis en Ouzbékistan marque la première sortie du pays pour Xi Jinping depuis janvier 2020. Pourquoi ce choix de l’Asie centrale ? 

Temur Umarov : L’Asie centrale a toujours été dans le radar de la politique étrangère chinoise. Depuis que ces ex-républiques soviétiques d’Asie centrale sont devenues indépendantes au début des années 90, la Chine a essayé d’établir de bonnes relations avec les régimes politiques en place dans la région. La priorité pour la Chine, ce sont les questions de sécurité. Car l’Asie centrale borde la région très sensible du Xinjiang en Chine, et a également une frontière avec l’Afghanistan. C’est pourquoi la Chine veut s’assurer que les capitales d’Asie centrale soient sur la même longueur d’onde que Pékin concernant les questions autour du séparatisme, du terrorisme et du radicalisme religieux. Sur cette base, la Chine a construit d’autres relations dans d’autres domaines. D’abord économique : en 2013, quand Xi Jinping s’est rendu pour la première fois au Kazakhstan et a annoncé l’initiative «la Ceinture et la Route». Aujourd’hui, l’Asie centrale se rappelle à nouveau à la Chine, notamment après les événements de janvier dernier au Kazakhstan.  Il y a eu au Kazakhstan, à la fois des manifestations de masse et la répression de l’élite politique. La Russie a montré qu’elle était étroitement impliquée dans les questions intérieures kazakhes. La Chine de son côté s’est contenté de regarder. Le pouvoir chinois était confus et ne savait pas quoi faire face à cette crise. Pékin a compris à ce moment-là que disposer d’un levier économique important, ne suffit pas. Il faut d’abord comprendre la politique intérieure, il faut ensuite être en mesure d’influencer la direction et les choix politiques importants pour la stabilité de la région. Ce que nous voyons en ce moment avec ce premier voyage à l’étranger de Xi Jinping, c’est la réaction de la Chine face à sa faiblesse lors des événements de l’hiver au Kazakhstan. Les déclarations du ministère chinois des Affaires étrangères à l’époque ont montré une certaine fébrilité. Un jour, la Chine parlait d’un problème intérieur, affirmant que seul le Kazakhstan devrait résoudre ce problème. Et le lendemain, la diplomatie chinoise évoquait un événement extérieur, et d’une tentative de créer une révolution de couleur au Kazakhstan. Un des objectifs de cette visite de Xi Jinping est de dire que la Chine considère toujours l’Asie centrale comme une priorité, qu’elle veut être considérée comme un pays qui compte, et qu’elle veut élargir sa présence au Kazakhstan et ne plus être limitée uniquement par des considérations économiques. 

Quels engagements et quels nouveaux investissements chinois attendre de cette visite au Kazakhstan ?  

Xi Jinping et Kassym-Jomart Tokaïev devraient signer de nouveaux contrats focalisés notamment sur les investissements dans les industries de taille moyenne et dans les domaines non énergétiques.  Ces investissements doivent aider le Kazakhstan à créer des emplois pour la population locale. Car ce qui est le plus reproché à la Chine en Asie centrale, c’est qu’elle ne crée pas d’emploi, qu’elle importe de l’énergie et que c’est son seul intérêt, disent les critiques. La Chine a donc la volonté d’améliorer sa réputation dans la région en créant ces emplois pour les populations locales. Une autre chose dont devraient discuter les deux présidents, ce sont les questions de terrorisme et de sécurité. Vu ce qui se passe en ce moment en Ukraine et les conséquences des sanctions contre la Russie sur le Kazakhstan, Xi Jinping et Tokaïev devraient également parler d’infrastructures logistiques alternatives de manière à ce que le Kazakhstan puisse avoir un plan B face à ses difficultés liées aux sanctions contre la Russie. Bien sûr, ce ne serait pas dit à haute voix, ce ne serait pas une déclaration claire, mais quelque chose dans ce sens sera définitivement à l’étude. 

La Chine va-t-elle exprimer sa volonté de sortir de son rôle purement économique auprès de son allié russe ?  

La Chine ne va pas envoyer de message directement au Kremlin. Mais Pékin sait que la Russie a plus que jamais besoin de Pékin. Les dirigeants chinois sont très pragmatiques et comprennent qu’en Asie centrale, la Russie est toujours considérée comme une puissance dominante et qu’elle a encore beaucoup d’instruments pour influencer ce qui se passe dans son pré-carré. C’est pourquoi, la Chine va se garder de créer une atmosphère de rivalité avec Moscou. La Chine utilisera plutôt la faiblesse de la Russie, afin de créer une situation où la Russie serait prête à aider la Chine à augmenter sa visibilité en Asie centrale. Moscou considère que la Chine et l’Asie centrale sont des alliés précieux, et n’aura donc pas d’autre choix que de coopérer.  

Dans un message vite effacé, l’ex-president Dimitri Medvedev suggérait, il y a quelques semaines, qu’après l’Ukraine, Moscou pourrait s’intéresser au Kazakhstan qui compte une forte présence russe dans le nord de son territoire. Est-ce que la Russie pourrait entrer en conflit avec un de ses voisins d’Asie centrale ?  

Avant la guerre en Ukraine, j’aurais dit que c’était impossible. Mais pour justifier son intervention, la Russie a commencé à dire que l’Ukraine était un État artificiel. Cette même logique peut être étendue à d’autres États qui faisaient autrefois partie de l’Union soviétique, et donc ce n’est plus impossible. Je ne suis pas sûr par ailleurs que les décisions du Kremlin soient prises de manière rationnelle. Donc, la possibilité d’un conflit est là. Avec quand même cette différence de taille entre le Kazakhstan et l’Ukraine : le Kazakhstan est considéré par Moscou comme un régime politique autoritaire amical qui n’utilise pas de récits anti-russes ou certains récits nationalistes dans sa politique intérieure. Tant que le gouvernement kazakh ne critique pas la Russie, il sera en sécurité. Et les liens politiques et économiques avec la Russie sont très élevés. Mais cette logique de punir un État parce qu’aux yeux du Kremlin, il est considéré comme factice, c’est très dangereux. 

Les diplomaties chinoises et russes ont fait part de leur intention de lutter contre un monde qualifié d’unipolaire et imposé par l’Occident. Est-ce que la réunion de l’Organisation de coopération de Shanghai va se transformer en front du refus contre les démocraties occidentales ?  

Le représentant de l’Ouzbékistan à l’Organisation de Coopération de Shanghai a déjà répondu que l’OCS n’avait pas été créé contre l’Occident. Et je pense qu’aucun pays d’Asie centrale ne serait prêt à signer un mémorandum qui stipulerait la création d’un front uni contre quelqu’un. Ce n’est pas du tout dans l’intérêt de l’Asie centrale. Il y aura bien sûr des discours sur un ordre mondial plus juste, sur le fait que tous les pays devraient être égaux, indépendamment de leur taille et du développement de leur économie. La question d’un front du refus sera surtout abordée lors du sommet bilatéral entre Vladimir Poutine et Xi Jinping, mais probablement pas au nom de l’Organisation de coopération de Shanghai. 

houssainatou

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