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(le moov)Les 20 ans de Factor X – Entretien avec un Empire

 (le moov)Les 20 ans de Factor X – Entretien avec un Empire

Le premier album du trio Jango Jack – Kamnouze – Ol Kainry, sorti le 20 septembre 2002, fête ses 20 ans. On revient sur ce projet ambitieux publié chez Nouvelle Donne.

De nombreux projets communs ont vu le jour ces deux dernières années, dans une dynamique assez inédite pour le rap français. Avant 2020, quelques collaborations sur long-format avaient vu le jour épisodiquement (Alibi Montana et LIM, le trio Alkpote-Seth-Zekwe, ou encore Ol Kainry et Dany Dan) mais sans jamais imposer une tendance globale. Difficultés contractuelles, égos mal placés, public trop indécis : énormément d’obstacles ont contribué à la rareté de ce type de projet. Dans le contexte du rap français du début des années 2000, la sortie d’un album commun entre Ol Kainry, Kamnouze et Jango Jack est donc une véritable exception, avec à la clé un projet qui a franchement bien vieilli.

Génèse du projet et contexte de sortie

L’année 2002 tient une place à part dans l’histoire du rap français. Marquée par les sorties de Temps Mort, Block Party ou L’ombre sur la mesure, elle marque un tournant. La première génération de rappeurs termine sa période de gloire ; les grands groupes de la fin des années 90 arrivent en fin de cycle, avec le deuxième album d’Arsenik, le début des carrières solo des membres de la Fonky Family ; enfin, une nouvelle génération prend son essor avec Booba, les Psy4 ou Rocé. Parmi ces jeunes rappeurs déterminés à se faire une place dans la lumière, Ol Kainry, Kamnouze et Jango Jack vont alors unir leur force le temps d’un album : Entretien avec un empire.

La genèse de ce projet est un mélange entre stratégie de label et hasards heureux. Le label Nouvelle Donne, fondé en 1997, commence à compter sur l’échiquier du rap français. Pour fêter ses 5 années d’existence, Kodjo, son fondateur, décide de mettre sur pied une compilation réunissant tous les artistes signés chez lui ou proches de son écurie. Parmi les premiers morceaux enregistrés, Entre deux mondes réunit Jango Jack, Kamnouze et Ol Kainry. Abordant le sujet de la double-vie que mènent les artistes, entre carrière musicale d’un côté et famille de l’autre, ce titre marque rapidement les esprits de ses premiers auditeurs. Non seulement il aborde une question rarement traitée par les rappeurs, mais en plus, une véritable énergie se dégage de cette collaboration entre trois profils bien distincts.

Kodjo, toujours aux manettes, tente alors de réitérer l’expérience. Un deuxième morceau est enregistré, puis un troisième, avec la même réussite. De fil en aiguille, l’idée de réaliser un album complet avec ces trois artistes fait son chemin, d’autant que Kamnouze, Jango Jack et Ol Kainry constituent alors le véritable noyau dur de Nouvelle Donne. On estime alors que leurs trois noms pourraient permettre de porter un tel projet, intégrant les autres artistes du label sur la tracklist par le biais de featurings.

Le contenu de l’album

L’entente entre les trois rappeurs est presque paradoxale : il s’agit bien d’une commande de label, et que leur réunion se fait sous l’impulsion de Kodjo, le groupe Factor X aurait finalement pu se former par lui-même. Non seulement leur relation artistique porte ses fruits, mais une amitié se noue rapidement entre eux, et la commande de label devient finalement une belle aventure humaine. Si les chiffres de ventes ne sont pas comparables aux cartons des rappeurs actuels, la réussite du projet se concrétise par une grosse série de concerts en France, en Europe, en Afrique, et aux Caraïbes, puis par un deuxième album (Le bon, la brute et le truand, en 2004).

La réécoute d’Entretien avec un Empire en 2022 est surprenante, si on a perdu l’habitude des albums du début des années 2000. Le contenu est en effet bien plus consistant que les projets actuels sur le plan des textes : sur 15 pistes, quasiment 15 thématiques différentes sont développées. Entre deux mondes traitait de la double-vie artiste/homme ; 13.7.00 aborde le sujet de la paternité ; Si je tenais le monde développe la vision d’un monde idéal ; Une bastos, une larme et un coeur raconte l’histoire d’une arme en point de vue subjectif ; Blessure pénale traite d’incarcération ; etc.

Sur chaque titre, on peut très bien imaginer les trois rappeurs réunis en studio, en train de se creuser la tête pour trouver une thématique à traiter. Écrire un morceau sans idée de départ, une démarche courante aujourd’hui, ne fait pas partie des pratiques de l’époque. Le résultat est un album dense, qui raconte énormément de choses, et permet de bien comprendre la mentalité de chacun des trois auteurs-interprètes. C’est tout l’intérêt d’un tel projet commun : s’ils se rejoignent forcément sur certains sujets, les angles de vue diffèrent, les expériences de chacun divergent, et une véritable diversité de traitement se met en place. A titre d’exemple, sur Si je tenais le monde, Kamnouze démarre sur un mot engagé (“j’irais mettre le président français en taule à la seconde”), Jango Jack enchaine sur un discours plus rêveur (“j’interdirais les guns et les guerres, les bombes, les drogues dures”), et Ol Kainry termine sur une note plus légère (“un monde tranquille, du style Bush et Ben Laden pépères autour d’un ice cream”).

Trois profils distincts pour un album varié

La diversité d’Entretien avec un Empire est encore plus palpable quand on se penche sur l’interprétation des trois rappeurs. Jango Jack, plutôt réputé pour sa maîtrise du chant et ses refrains accrocheurs, apporte forcément une touche mélodieuse à l’ensemble, mais sur de nombreux titres, ses performances sont celles d’un véritable rappeur, avec une plume solide et un flow tantôt nonchalant, tantôt incisif. Ol Kainry, de son côté, très reconnaissable par son timbre de voix particulier, oscille entre un décor très street, des couplets introspectifs et des petites touches d’humour. Kamnouze représente le rap français très tourné vers la plume et les schémas de rimes complexes, avec beaucoup d’exigence dans la construction des textes.

Bien qu’il s’agisse d’un album en trio, les associations varient en fonction des préférences de chacun : on a donc droit à des solos, à des combinaisons à deux, à des featurings avec d’autres artistes. Titre d’ouverture du projet, Apocalypse Flow réunit par exemple Ol Kainry et Kamnouze pour un pur échange entre kickeurs, tout en passe-passe.

Le titre le plus représentatif de l’ambition de cet album est le single Boum Boum. Solo de Jango Jack, ce single rap/rnb parle d’amour sur un ton plutôt romantique, le chanteur se positionnant comme un pur lover. Ce single a droit à un remix avec Kamnouze et Ol Kainry, dans lequel le premier va dans le sens de Jango et cherche à le persuader de poursuivre sa relation amoureuse (“tes sentiments garde-les c’est important”), tandis que le deuxième le tacle avec humour au sujet de son tempérament sentimental (“j’entends la street vanner, que Jango fait le clown / À cause d’une baby lady qu’il a zouké dans une boum”) en essayant de le dissuader de s’engager (“cette lady ne veut qu’ta carte de crédit / crois-en mon expérience, parole de Freddy”).

Plus qu’un projet commun entre trois têtes d’affiche d’un label, Entretien avec un Empire reflète une véritable alchimie entre ses artistes. L’excellente entente entre ces trois profils, tous différents, aboutit à un album varié mais cohérent, en constante recherche d’équilibre entre pure performance rap et volonté de s’ouvrir à des sonorités plus mélodieuses. Deux décennies après sa sortie, ce premier album de Factor X reste tout à fait dans l’air du temps, et constitue un véritable témoignage de l’identité du rap français du début des années 2000.

houssainatou

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