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(rfi.fr)Noémie, 32 ans, la vie chevrière au corps.

 (rfi.fr)Noémie, 32 ans, la vie chevrière au corps.

À la tête d’un élevage caprin dans les Alpes, Noémie Collet incarne une génération d’agriculteurs qui entend bien reprendre son destin en main. Après sept années de rudes épreuves, la jeune mère de famille a relevé la tête : auréolée du titre de Miss France agricole en 2020, la Bergère en colère, son surnom sur les réseaux sociaux, n’hésite pas à croiser le fer pour défendre son métier et ses convictions. Publicité

Noémie Collet élève une centaine de chèvres laitières sur la commune de Saint-Jean-d’Aulps, en Haute-Savoie, à une demi-heure du lac Léman. Elle a repris l’exploitation parentale en 2013 et elle est aujourd’hui associée avec sa mère. Chaque jour, elle transforme environ 200 litres de lait en un panel de produits : des yaourts, des flans, de la tomme, du sérac, de la raclette et surtout, son produit phare, le chevrotin. Ce fromage fait partie des nombreux produits de terroir français estampillé du label Appellation d’origine protégée, un gage de savoir-faire local reconnu à l’international.

Le Clos aux Chèvres est en agriculture biologique. Les animaux pâturent sur les hauteurs en été. L’hiver, ils sont nourris dans la bergerie avec, comme complément au fourrage, du lin et de la féverole, en lieu et place du soja brésilien, souvent transgénique.

Enfin, Noémie vend ses produits dans un rayon qui n’excède pas quelques dizaines de kilomètres : deux marchés hebdomadaires, en épicerie et en vente directe à la ferme, où elle propose aussi légumes, viandes et poissons du lac des producteurs alentours.

Noémie Collet porte une profonde affection à cet animal, dont elle apprécie avant tout le caractère malicieux.
Noémie Collet porte une profonde affection à cet animal, dont elle apprécie avant tout le caractère malicieux. © Géraud Bosman-Delzons/RFI

Accident, déboires et embûches

La ferme de Noémie coche donc toutes les cases de la nouvelle agriculture française, toujours plus respectueuse de l’environnement. À première vue, tout semble pour elle facile et couler de source. La semaine de notre rencontre, le contrôle des autorités sanitaires, qu’elle n’avait pas eu depuis son installation, n’a rien trouvé à redire et l’agricultrice semblait d’ailleurs assez sereine quant à cette visite, souvent redoutée des professionnels.

Pourtant, le parcours de Noémie n’a pas été une sinécure.

En 2007, son père, alors chef de l’exploitation, tombe d’une échelle. Quelques secondes qui font basculer la vie de la famille. À ce moment, Noémie a 18 ans et suit des études de comptabilité. « C’est là que l’on comprend que l’agriculture est un métier à part et sera toujours à part car, le soir même de l’accident, je devais traire les chèvres à la place de mon père. » Elle n’a d’autre choix que d’abandonner son emploi en alternance et ses études. Sa mère quitte également son emploi pour rejoindre l’exploitation. Son père est hospitalisé plusieurs mois, physiquement et moralement très atteint.

Comme si cela ne suffisait pas, elle ne bénéficie pas des faveurs de l’ancienne équipe municipale pour la réalisation de ses différents projets. Entre autres pierres d’achoppement, la route qui mène à sa ferme. C’est une piste forestière, impraticable pour des voitures de tourisme. Impossible donc de proposer la vente directe que Noémie veut mettre en place.

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Bientôt mère de deux enfants, cheffe d’exploitation aux journées interminables et aux dettes qui s’accumulent, à un âge où l’insouciance estudiantine prédomine encore, elle affronte également une pollution de sa source d’eau en raison d’une décharge illégale. Femme, jeune, elle tente de faire valoir ses droits dans un milieu masculin qui la prend de haut, et se taille dès lors une réputation peu flatteuse dans le secteur. Le climat est délétère et n’arrange rien au moral. 

La remontada

Mais Noémie bataille. Notamment via les réseaux sociaux, sous l’avatar « la Bergère en colère ». Puis elle rebondit d’une drôle de manière : prétendre au titre de Miss France agricole. Ce concours est un pied de nez au célèbre concours de beauté qui a lieu le même jour, au mois de décembre : il a pour objectif de valoriser l’agriculture et récompense des « paysannes et fières de l’être ». « Ce truc-là était fait pour moi. Mais je n’avais pas le droit de me planter. » Une candidature écrite dans laquelle elle expose ses valeurs et le tour est joué : elle est élue en décembre 2019, parmi 125 autres femmes.

Noémie Collet ne craint pas de se dire «fière» de ce qu'elle a accompli après «douze années de galères». Fière aussi d'exercer l'un des plus beaux métiers qui soit : nourrir les gens.
Noémie Collet ne craint pas de se dire «fière» de ce qu’elle a accompli après «douze années de galères». Fière aussi d’exercer l’un des plus beaux métiers qui soit : nourrir les gens. © Géraud Bosman-Delzons/RFI

La bergère tient sa revanche. Personnelle d’abord, sur les tourments du passé, sur « ceux qui n’ont pas cru » en elle ou qui lui ont glissé des bâtons dans les roues. Ses projets d’amélioration de la ferme aboutissent en 2020… sept ans après son installation!

Au-delà, cette récompense attire à elle micros, caméras et gratte-papiers de l’Hexagone. Noémie peut exprimer à une plus large audience ses positions sur les enjeux qui transforment le monde agricole : le retour du loup, la Politique agricole commune, le manque de reconnaissance, le dogmatisme environnemental… Elle relaie notamment la colère sourde du monde agricole, ses frustrations, ses angoisses ou ses incompréhensions face aux injonctions parfois contradictoires adressées aux agriculteurs, qui se sentent souvent, à tort ou raison, mal-aimés de leurs concitoyens. Voici son témoignage. 1/9

Une centaine de chèvres laitières est élevée au Clos aux Chèvres, à Saint-Jean d'Aulps. Avec les chevrettes et les boucs, cela fait un troupeau de 140 bêtes. La taille moyenne d'un élevage dans ce département de montagne.
Shaïlo, le patou du Clos aux Chèvres. C'est une race dressée pour des tâches d'élevage spécifiques, notamment encadrer les troupeaux mais aussi les défendre face aux attaques de loup. Il peut être dangereux pour l'homme.
A tour de rôle, les laitières montent sur le quai pour aller manger pendant que Noémie les trait. Heureusement, «elles sont bien disciplinées, donc ça va vite» précise-t-elle. Les chèvres sont traites matin et soir, il faut environ 11 heures entre les deux.
«Ca fait une bonne dizaine d'années que je fabrique du chevrotin, mais seulement deux ans que j'y arrive bien. C'est un fromage d'expérience, il faut trouver le truc, qui est lié à tellement de paramètres.»  Ne serait-ce qu'entre l'hiver et l'été, le fromage n'aura pas le même goût puisque les chèvres n'auront pas mangé la même chose.
«Aujourd'hui, on n'a plus que 400 000 exploitations agricoles en France. Rapporté au  nombre de Français, 67 millions, moi ça me donne le vertige.» Le non renouvellement de la profession entre deux générations est l'une grande préoccupation de Noémie.
Noémie a revêtu la combinaison offerte à l'occasion de son titre de Miss France Agri. Elle participe également à différents concours agricoles, d'où elle rentre «rarement bredouille» . « On se met beaucoup la pression. Quand on aime bien manger, les bons produits, on s'applique pour que ça tienne la route. Mais le plus compliqué n'est pas de gagner un concours,  c'est d'avoir un produit qui soit stable sur l'année. C'est la récompense du travail de l'année.»
«Ce qui m'a toujours fascinée, c'est qu'à partir du même lait, qui arrive dans le même chaudron, je vais réussir à faire les crottins, les petits coeurs, les yaourts et les flans. Donc avec la même base, pleins de goûts et de textures différents.»
«Les chèvres ont un caractère bien différents des vaches et même des moutons, plus indépendants. Elles aiment beaucoup la présence humaine et viennent facilement aux caresses.»
Au terme de la traite du matin, Noémie ira en salle de yaourts. Pour cela, elle devra chausser ses bottes de fabrication afin de respecter les normes d'hygiènes en vigueur.

Une centaine de chèvres laitières est élevée au Clos aux Chèvres, à Saint-Jean d’Aulps. Avec les chevrettes et les boucs, cela fait un troupeau de 140 bêtes. La taille moyenne d’un élevage dans ce département de montagne. © © Géraud Bosman-Delzons/RFI

Financé par le programme IMCAP de l’Union européenne. Le contenu de la présente publication reflète uniquement la position de l’auteur et relève de sa seule responsabilité. La Commission européenne n’assume aucune responsabilité quant à l’usage qui pourrait être fait des informations qu’elle contient.

kadi

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