Le tour d’Europe de la lanceuse d’alerte de Facebook est passé par Bruxelles lundi 8 novembre, après Londres et Lisbonne, et avant Paris. Frances Haugen s’est exprimée devant les députés européens, alors que la Commission prépare de nouvelles lois sur l’avenir du numérique, à la fois sur les services et les marchés. Dans ce cadre, ses accusations d’incitation à la haine en ligne et à la désinformation peuvent aider les eurodéputées à légiférer.

Selon Frances Haugen, c’est en jouant avec notre sécurité que Facebook est devenu une entreprise qui vaut des milliers de milliards de dollars. Elle demande aux députés et à toute l’Union européenne d’encadrer l’avenir des services numériques avec trois facteurs : l’évaluation du risque, la maîtrise des exceptions aux règles générales, et surtout, pour Frances Haugen, il faut des règles exhaustives.

D’où l’intérêt pour elle de voir l’Union européenne se doter d’un nouvel arsenal législatif.

« La loi sur les services numériques que votre Parlement étudie a le potentiel de devenir le nouvel étalon-or mondial. Il peut inspirer d’autres pays – dont le mien – à établir de nouvelles règles pour sauvegarder nos démocraties, a-t-elle insisté. Mais la loi doit être forte et son application doit être ferme, sinon, on ratera cette occasion qui n’arrive qu’une fois par génération, celui d’aligner l’avenir de la technologie et celui de la démocratie. »

Selon Frances Haugen, les algorithmes de Facebook privilégient les contenus qui mènent aux positions les plus clivantes et ils ne doivent pas rester un secret commercial de la compagnie.

Pour elle, il sera en revanche difficile de surveiller les pratiques des réseaux sociaux. Car il y a à peine quelques centaines d’experts à travers le monde capables de comprendre le fonctionnement des algorithmes : seules des personnes formées en interne par chaque géant des réseaux sociaux en maîtrisent véritablement le fonctionnement.

En plus de s’exprimer devant les députés européens, Frances Haugen a également rencontré l’un des hommes forts de la Commission européenne, Thierry Breton, le commissaire au Marché intérieur. Il est chargé de la préparation des lois sur l’avenir du numérique, qu’il s’agisse des services et des marchés.

J’ai rejoint Facebook en 2019, car un de mes proches s’est radicalisé en ligne. Je me suis sentie forcée de m’impliquer activement pour créer un Facebook meilleur et moins toxique. Lorsque j’y travaillais j’ai vu que Facebook était en permanence en conflit entre ses profits et notre sécurité. Et Facebook a toujours choisi la solution qui préservait ses profits. Le résultat est un système qui favorise division, extrémisme et polarisation. Dans certains cas, des conversations dangereuses en ligne ont conduit à des violences physiques blessant voire tuant des gens. Je pense que j’ai fait ce qu’il fallait et que c’était nécessaire pour le bien commun. Mais je sais que Facebook a des ressources infinies qu’il pourrait utiliser pour me détruire. J’ai pris de grands risques avec mes révélations, parce que je crois que nous avons encore le temps d’agir, mais il faut agir maintenant. Facebook choisit tous les jours le profit par-dessus la sécurité, et sans une action des législateurs ça continuera.