Trois mois après le retour des États-Unis au sein de l’Accord de Paris sur le climat, le président Joe Biden invite 40 dirigeants mondiaux à un sommet virtuel ces 22 et 23 avril, afin de galvaniser les efforts des principales économies de la planète pour lutter contre la crise climatique.
Après quatre ans d’absence, les États-Unis entendent bien montrer qu’ils sont de retour au combat contre le réchauffement climatique. Avant le grand sommet sur le climat voulu par Joe Biden, point d’étape vers la grande conférence de l’ONU, la COP26, prévue en novembre à Glasgow, ils ont promis de faire pression sur les principaux pollueurs mondiaux pour qu’ils « relèvent » leurs « ambitions ».
Pour ce sommet, le président Biden a fait le choix tactique d’inviter les pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre ; ceux qui ont un rôle particulier, comme la Jamaïque et la France, mandatés par la Convention des Nations unies sur le climat pour faire avancer les financements ; et de plus petits pays, moteurs dans les négociations climatiques, comme les îles Marshall.
Les grandes puissances en ordre de marche
Dans l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 degré, les États de la Convention-cadre des Nations unies pour le climat doivent présenter avant la COP26 leurs contributions nationales à la baisse des émissions. Les grandes puissances invitées se sont mises mardi en ordre de marche. Le président chinois Xi Jinping, à la tête du premier pays émetteur de gaz à effet de serre, a confirmé, tardivement, sa participation, malgré les vives tensions avec Washington.
Également en froid avec les Américains, Vladimir Poutine, a promis que la Russie, producteur majeur d’hydrocarbures, agirait « sévèrement » pour « relever les défis du changement climatique ». Le président russe a fixé comme objectif que le volume cumulé d’émissions nettes de gaz à effet de serre de son pays passe en dessous de celui de l’Union européenne lors des 30 prochaines années.
L’UE, justement, pourra faire bonne figure après un accord in extremis entre eurodéputés et États membres sur une réduction nette d’« au moins 55% » de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990. Mais ces efforts restent selon les experts en deçà des objectifs de l’Accord de Paris sur le climat conclu en 2015, qui vise à maintenir le réchauffement sous les +2°C, si possible, +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle.
Le défi de Biden
Les États-Unis devraient quant à eux annoncer leur objectif de réduction d’émission d’ici 2030. Ils devraient également rattraper leur retard de contribution aux financements climat et annoncer de nouveaux financements. « Ce qui serait considéré comme ambitieux, ou au moins un rattrapage, ce serait de doubler la contribution actuelle au Fonds vert pour le climat. Mais Joe Biden doit d’abord montrer qu’il règle la note laissée par le président Trump qui n’avait pas honoré les engagements pris sous l’ère Obama », estime Lola Vallejo, directrice climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales. L’enjeu est de taille pour la crédibilité du nouveau président américain, qui veut s’ériger en leader mondial de la lutte contre le réchauffement, mais doit rassurer quant à l’inconstance de son pays en la matière.
Il va aussi lui falloir convaincre ses propres concitoyens. Le président américain a placé la lutte contre le changement climatique au cœur de son plan de plus de 2 000 milliards de dollars d’investissement sur les infrastructures. Le texte n’est cependant pas encore adopté, il fait l’objet de difficiles négociations au Congrès, indique notre correspondante à Washington, Anne Corpet.
Joe Biden ne cesse de répéter que la transition vers une économie verte va créer des emplois bien rémunérés, mais il a du mal à obtenir le soutien des républicains. Le président américain bataille sur le plan intérieur pour atteindre ses objectifs, car il veut pouvoir être cité en exemple. Il affirme que mener cette transition écologique est la seule manière de garantir la place de l’Amérique dans le monde.
Lors de ces deux jours de sommet virtuel, une réunion en plénière sera consacrée à la relance économique verte et au soutien à la création d’emplois, des sujets majeurs depuis le début de la pandémie. Deux autres discussions devraient avoir lieu : l’une consacrée aux innovations technologiques, et l’autre aux finances, avec la participation de la Banque mondiale et des Banques de développement.
Les si différents détracteurs du plan présidentiel
Mais le premier adversaire du président américain ne sera pas tant le camp républicain que le secteur des industries fossiles. Pour Edward Cross, président de la Fédération indépendante du gaz et du pétrole de l’État du Kansas, l’objectif d’une réduction progressive de ces énergies serait désastreux pour l’économie. « Rajouter encore plus de réglementations inutiles à notre industrie ne ferait que nuire à notre situation déjà compliquée avec la pandémie. Ici, au Kansas, notre industrie représente 118 000 emplois dans tout l’État. Ce sont des emplois bien rémunérés. Et les emplois dans l’industrie des énergies renouvelables sont généralement moins bien payés », explique-t-il.
Pas beaucoup plus surprenantes, des critiques se font aussi entendre dans le camp des écologistes. Certaines ONG estiment que le président américain ne va pas assez loin pour combattre le changement climatique, comme l’explique Jean Su, avocate au Centre pour la diversité biologique : « L’administration Biden ne compensera jamais sa part de responsabilité dans sa contribution au réchauffement climatique avec ce plan. Ça va complètement à l’encontre de ce que signifie l’urgence climatique et de la manière dont il faut la combattre. Il faudrait immédiatement arrêter toutes les énergies fossiles et reconstruire un système énergétique propre et équitable. »
Michael Thomas est le directeur de Carbon Switch, une entreprise qui promeut l’efficacité énergétique. Il a modélisé certaines des promesses du plan de Joe Biden. Et même si le projet aura un impact positif pour l’industrie automobile, il n’atteindra pas les objectifs de l’accord de Paris : réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de ne pas dépasser le plafond de 1,5°C avant l’année 2100.
« Le plan climat de Biden pourra créer de nombreux emplois dans l’industrie automobile partout aux États-Unis. Principalement, parce qu’il va exiger la construction d’un réseau national de stations de recharge de voitures électriques dans chaque comté et dans chaque ville. Et c’est quelque chose que les plans d’investissements précédents ne faisaient pas. Ces emplois étaient souvent créés à San Francisco, Miami ou dans d’autres grandes villes. Mais avec l’électrification et la décarbonation de notre industrie des transports, cela va créer environ un million d’emplois aux États-Unis dans les années à venir, explique Michael Thomas. Mais la réalité, c’est que cet investissement, bien qu’il soit historique et de plusieurs milliers de milliards de dollars, ne suffira pas à atteindre les objectifs de l’accord de Paris d’après mes recherches. Nous allons avoir besoin d’un investissement équivalent tous les ans pendant les dix ou vingt prochaines années pour atteindre ces objectifs. »