🍛Le repas soulignant la fête des Mères pourrait coûter plus cher à ceux qui décideront de mettre du homard sur la table. Depuis le début de la saison en Gaspésie, le crustacé si convoité est plus onéreux qu’à pareille date l’an dernier, notamment en raison de la gourmandise américaine.
Vendredi matin, les pêcheurs de la Gaspésie qui ont accosté avec des casiers remplis de homards ont reçu une somme équivalant à 8 $ la livre. L’an dernier à pareille date, ils empochaient une somme de 6,40 $ la livre, prix qui est vite tombé à 5,01 $, selon les données fournies par Bill Sheehan, vice-président de l’entreprise E. Gagnon et Fils, qui achète et transforme le homard à Sainte-Thérèse-de-Gaspé pour ensuite l’acheminer vers les réseaux de distribution. Résultat : les consommateurs qui l’achètent actuellement en poissonnerie le paient plus cher. Les grandes surfaces, qui vendent souvent des homards de plus petite taille, réussissent malgré tout à les offrir à bas prix.
« Si on compare à l’an passé, oui, [il est plus cher], affirme M. Sheehan, dont l’usine emploie 400 personnes pendant les saisons du crabe des neiges et du homard. L’an passé, c’était une année qui n’était pas normale. Le début de la saison a été retardé de deux semaines à cause de la COVID-19. On a eu des cas dans l’usine, on a fermé l’usine de production deux semaines. Les restaurants fermaient. Les croisiéristes étaient amarrés au quai. Les casinos étaient fermés aux États-Unis. Le produit s’accumulait dans les entrepôts, dans les chambres froides. Les captures étaient bonnes. Mais la demande n’était vraiment pas au rendez-vous. »
Cette année, c’est complètement un autre scénario. On commence à voir le bout du tunnel avec la vaccination. Aux États-Unis, il y a déjà des États qui sont 100 % [déconfinés].
Bill Sheehan, vice-président de l’entreprise E. Gagnon et Fils
La reprise de la demande américaine contribue à cette augmentation du prix, souligne-t-il. « Les États-Unis, c’est le gros débouché. La population est là et c’est un marché de proximité. »
E. Gagnon et fils exporte entre 75 % et 80 % de son homard transformé (chair, queues congelées et emballées sous vide) chez nos voisins du Sud. Or, l’an dernier, la saison a été plus courte et l’usine, sans travailleurs saisonniers et aux prises avec des cas de COVID-19, a produit beaucoup moins.
« On se retrouve avec zéro stock. Je pense qu’il ne doit plus avoir une seule palette de chair de homard de disponible aux États-Unis. Ce n’est vraiment pas habituel, mais ç’a été causé par une saison réduite. Même nous, on a produit beaucoup moins qu’une année normale. Le marché n’était pas là. On se retrouve cette année avec une année qui repart et avec zéro stock de homard transformé. »
Cette année toutefois, les activités reviennent « à la normale » et l’usine compte actuellement près de 48 travailleurs étrangers. L’entreprise transforme 150 000 livres de homard par jour.
Des prix qui varient
Par ailleurs, bien que les prix au quai soient actuellement élevés, ils peuvent diminuer au cours de la saison. « Souvent, les premières semaines, le prix est plus élevé, relève Jean Côté, biologiste et directeur scientifique du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie. C’est une question d’offre. Quand on commence, on est à peu près les seuls sur le marché, suivent ensuite les Îles-de-la-Madeleine, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard. Ça envoie les prix à la baisse pour le pêcheur. »
Pour le consommateur, la facture, en plus de dépendre de ce qu’il en coûte au quai pour les transformateurs, varie en fonction de l’endroit où il se procure le homard. Par exemple, dans son feuillet publicitaire, Metro vend son homard vivant 8,88 $ la livre et IGA l’affiche à 8,87 $. Ils pèsent entre une livre et une livre et quart. Du côté des poissonneries, La Mer annonce son homard de la Gaspésie vivant à 23 $ la livre alors qu’il coûte 17,99 $ la livre chez Odessa. Ces derniers sont par contre plus gros.
« Si tu l’achètes à l’épicerie, dans les grandes enseignes, tu vas souvent voir une légère hausse ou une légère baisse, explique M. Côté. On essaie de garder le prix à peu près comparable d’une année à l’autre. Là où il y a de plus grandes différences, ce sont les poissonneries qui offrent souvent du plus gros homard de 1,5 livre à 2 livres. Et là, on va retrouver des prix cette année plus élevés que par le passé. Le poissonnier reflète vraiment la hausse et la baisse. »
Pour les épiceries, le homard est un produit d’appel. Elles sont prêtes à faire de très petites marges de profit, à la limite, je dirais qu’elles n’en font pas, mais elles veulent attirer des gens pour acheter d’autres produits.
Jean Côté, biologiste et directeur scientifique du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie
Alexander Meletakos, directeur des ventes à La Mer, confirme qu’il vend le crustacé 5 $ de plus la livre qu’à pareille date l’an dernier. « On est en début de saison, avec la fête des Mères, il y a une forte demande. Ça fait une mise en place pour des prix élevés. »
« Les marges sont faites en proportion des volumes, ajoute M. Sheehan. Le poissonnier n’a pas le même volume, donc sa marge doit être plus élevée. »