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(lemonde.fr)« Ils sont plus libres avec la mode que nos parents et s’en amusent » : ces hommes qui enfilent les perles

 (lemonde.fr)« Ils sont plus libres avec la mode que nos parents et s’en amusent » : ces hommes qui enfilent les perles

LONDON, ENGLAND – FEBRUARY 14: Harry Styles leaving BBC Radio 2 on February 14, 2020 in London, England. (Photo by Neil Mockford/GC Images)

Parure bourgeoise longtemps réservée aux femmes, le collier de perles orne aujourd’hui le cou des jeunes gens. La réappropriation moderne d’une mode disparue au XIXe siècle.

La scène se passe dans une allée du Decathlon Madeleine, à Paris. Deux trentenaires essaient des chaussures de foot, devisant virilement crampons et performances avec, autour de leur cou, un rang de perles blanches. On avait évidemment remarqué, sur les défilés Celine, Louis Vuitton ou chez le finaliste du prix LVMH Casablanca, ces colliers immaculés. Une coquetterie repérée aussi sur une ribambelle de beaux gosses, idoles des plus ou moins jeunes, comme Pharrell Williams, Harry Styles ou encore A$AP Rocky. Mais de là à les voir aussi vite dans l’encolure de chaque polo ou sweat-shirt croisé dans la rue…

« La perle se désembourgeoise, surtout auprès des hommes de 25 à 45 ans. Ils sont plus libres avec la mode que nos parents et s’en amusent, sans aucun préjugé », confirme Catherine Servel, créatrice des bijoux De Cosmi. Quand elle rapporte ses créations chez elle, son mari les essaie volontiers. Sur Instagram, il décroche une moisson de « likes » quand il pose avec un choker de perles baroques.

Matthew porte le ras de cou Kos par De CosmiPerles baroques naturelles, Chrysoprase, or jaune 18k

Prabal Gurung, directeur artistique du joaillier japonais Tasaki, ne s’étonne guère de cette désinhi­bition. « Quand vous grandissez au Népal et en Inde, vous êtes habitué à voir des hommes porter des perles. Globalement, nous adoptons une tendance plus fluide et inclusive dans notre façon de nous vêtir. Globalement, les jeunes générations abandonnent un style et des normes patriarcales oppressantes pour s’habiller pour le plaisir. D’ailleurs, pourquoi assigner un genre à des objets inanimés comme des vêtements ou des bijoux ? »

Un accessoire « gender fluid »

Il y a ceux qui piochent dans la boîte à bijoux de leur grand-mère. Les apprentis modeux commandent, pour leur part, un rang de perles chez Asos ou Common Lines. Les plus pointus (et les plus riches) se tournent vers les joailliers qui vont twister ce grand classique en le mariant avec des épingles à nourrice ou des clous. A l’instar de la dernière collaboration entre Mikimoto et Comme des Garçons.

Mikimoto Comme des Garçons collection 2

« Le collier de perles a longtemps souffert d’une connotation vieillotte. Les hommes s’en emparent pour détonner avec le style de nos grands-mères. Il se mélange aux chaînes dans un esprit rappeur ou se porte sur un tee-shirt. Délaissé par les femmes, il modernise les hommes d’aujourd’hui ! », observe le joaillier Marc Deloche. Et tant pis si ça fait jaser… D’autant qu’il suffit de remonter le temps pour s’apercevoir que la fluidité a toujours existé dans la joaillerie.

« Dès la préhistoire, le bijou se soustrait au genre. Quant au sautoir de perles, il était particulièrement prisé par la gent masculine pendant la Renaissance. Jusqu’au XIXe siècle, en France, celui qui en portait le plus, en valeur, pour signifier sa position sociale, c’était très souvent l’homme », souligne Michèle Heuzé, historienne du bijou. Les maharajas et les coquets des cours européennes se sont ainsi entichés du collier de perles. En Occident, la Révolution, l’influence du protestantisme et du pouvoir des industriels ont imposé davantage de sobriété. Il n’a plus été question pour ces messieurs d’afficher une quelconque futilité. Collerettes, fraises et perles ont ainsi laissé place à la cravate.

Objet de contestation

Résultat, aujourd’hui, le bijou pour homme est devenu un objet de contestation. « A partir du moment où les codes ont établi que les bijoux n’étaient plus pour les hommes, les groupes qui s’opposaient au monde bourgeois – punks, gothiques ou rappeurs – sont revenus à la parure, autrefois réservée à l’élite sociale. Le paradoxe, à travers ces détournements, c’est que les hommes ne font que reprendre ce qui leur appartenait déjà et le démocratisent », poursuit Michèle Heuzé.

Collier LIO Marc Deloche en perles et argent

Un retour des choses qui fleure comme un parfum de revanche pour Claire Gannet, directrice du patrimoine chez Chaumet. « Nous avons connu, à travers l’histoire, des périodes où les hommes étaient plus parés que les femmes… Aujourd’hui, ils se réapproprient le bijou et un nouveau territoire d’expression semble s’ouvrir à eux. » Les joailliers ne peuvent que se réjouir si cette révolution prend la forme d’un rang de perles.

Ibrahima Bah

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