l'infos du monde de dernières minutes 7j/7

l'infos du monde de dernières minutes 7j/7

(rfi.fr)Affaire Naomi Osaka: «Un sportif de haut niveau n’est pas à l’abri d’un état dépressif»

 (rfi.fr)Affaire Naomi Osaka: «Un sportif de haut niveau n’est pas à l’abri d’un état dépressif»

Makis Chamalidis est psychologue du sport, co-auteur de l’ouvrage Champion dans la tête. Il accompagne depuis plus de deux décennies des athlètes de haut-niveau. Pour rfi.fr, il revient sur le retrait de Naomi Osaka du tournoi de tennis de Roland-Garros. La Japonaise avait notamment expliqué ne pas vouloir se présenter aux conférences de presse, pour préserver sa santé mentale. Publicité

RFI : Makis Chamalidis, êtes-vous surpris par le retrait de la Japonaise Naomi Osaka du tournoi de tennis Roland-Garros ?

Makis Chamalidis : Oui et non. Oui, parce qu’on est toujours surpris lorsque quelqu’un qu’on considère comme une personne forte montre sa fragilité. Et non, parce que la fragilité donne justement de la place à la force pour prendre sa revanche, pour restaurer quelque chose. […]

On est tous sortis transformés de cette période de confinement. Certains y ont laissé des plumes. Et je pense que c’est encore plus le cas pour les joueurs et joueuses de tennis, parce qu’ils ont perdu plein de repères. Je ne parle pas seulement du fait de jouer sans public. Cette bulle coûte beaucoup d’énergie aux athlètes.

Du coup, ça permet de se poser beaucoup plus de questions. On a davantage de temps pour réfléchir : « Qu’est-ce que je fais là ? » « Est-ce que je suis à ma place ? » « Est-ce que ça a du sens tout ce que je fais ? »

Ce n’est pas étonnant qu’à un moment donné, certains se sentent un peu vidés et ont besoin de se ressourcer.

Vous souvenez-vous d’autres athlètes ayant renoncé à une compétition afin d’échapper en partie à leurs obligations médiatiques, notamment ?

Je pense à l’exemple de Marie-José Perec [ex-championne olympique française d’athlétisme, en 1992 et 1996] qui est partie en 2000, juste avant les Jeux de Sydney. Elle exprimait un ras-le-bol, mais sans doute pour d’autres raisons.

Toujours est-il que ce sont des moments très difficiles pour l’athlète et son entourage. Ça pose également la question de l’accompagnement. Il y a encore dix ou vingt ans, l’encadrement était composé d’entraîneurs. Aujourd’hui, on doit aussi avoir au sein de son staff des personnes qui ont des « soft skills » d’empathie, de bienveillance, et qui savent par ailleurs accompagner quelqu’un qui est en détresse.

Naomi Osaka explique ressentir beaucoup d’anxiété face aux médias. D’autres athlètes vous ont-ils déjà exprimé leur malaise, voire leur mal être, face aux micros et aux caméras ?

Oui, elle n’est pas la seule. Il y en a plein qui ont un peu du mal avec le regard des autres, le fait d’être jugés, de s’exprimer en public, de ne pas trop savoir ce qu’il faut dire dans ces moments-là. C’est vrai que, vingt à trente minutes après une performance, être lucide sur ce que l’on a envie de dire, avoir la capacité d’analyser ce qu’il s’est passé, ce n’est pas donné à tout le monde. Mais ce sont aussi des compétences qui se travaillent.

Est-ce surprenant que des athlètes habitués, en temps normal, à se produire devant des milliers de spectateurs et des centaines de milliers (voire des millions) de téléspectateurs éprouvent un tel malaise face à une centaine de journalistes ?

Moi, je pense que cela fait partie du métier. C’est du donnant-donnant. Sans les journalistes, sans les médias, on ne peut pas vraiment exister. On gagnerait beaucoup moins d’argent aussi. Je pense que le sportif a des droits et des devoirs. Et lorsqu’il est mal à l’aise face à un public ou des journalistes, je pense qu’il faut qu’il se forme, qu’il se positionne.

Mais, dans le cas de Naomi Osaka, je pense que ça va un peu plus loin que les journalistes. C’est une partie mais ce n’est pas l’essentiel.

Naomi Osaka estime qu’on ne protège pas assez la santé mentale des athlètes. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que c’est un bon moment pour se poser ces questions. « Qu’est-ce qu’on peut faire pour les athlètes ? » « Est-ce qu’ils sont bien équilibrés ? »

Mais, en même temps, lorsqu’on parle de très haut niveau, les athlètes sont des personnes qui ont décidé d’être sur le fil du rasoir, de prendre des risques. On ne peut pas chercher le bien être du matin au soir lorsqu’on tente de repousser ses limites de manière extrême. À la limite, je proposerai de trouver un peu plus d’équilibre dans ce déséquilibre. Mais n’être que dans le bien être lorsque l’on cherche la haute performance, ce n’est pas compatible, selon moi.

Vous semble-t-il que les risques de dépression et d’anxiété restent sous-estimés dans le monde du sport de haut niveau ?

NewsletterRecevez toute l’actualité internationale directement dans votre boite mailJe m’abonne

Oui, parce qu’on a l’image du sportif ou de la sportive toute puissante. Or, les statistiques et les recherches montrent que ce n’est pas parce qu’on est sportif de haut niveau qu’on est à l’abri d’un état dépressif.

Je ferai  quand même la part des choses entre un état dépressif, qu’on connaît tous, lorsqu’on est un peu « down », et une vraie dépression, lorsqu’on veut s’isoler, s’enfermer chez soi et ne voir personne. Il faut aussi faire très attention au vocabulaire employé.

Les organisateurs de grands événements sportifs ont-ils eu tendance, ces derniers mois, à se focaliser un peu trop sur la lutte contre le Covid et à délaisser le bien-être des athlètes, selon vous ?

Je ne suis pas le mieux placé pour répondre à cette question… Mais je pense qu’il faut anticiper et prévenir. Il ne faut pas réagir lorsqu’il est trop tard. Actuellement, il y a plein de signes qui indiquent qu’il faut vraiment prendre en compte ce que vivent les sportifs, lorsqu’ils sont dans une bulle, lorsqu’ils jouent sans public.

Et, en même temps, je n’ai pas envie de dire que ce sont des victimes. N’importe quel joueur de tennis peut dire qu’il fait un break pour se ressourcer et repartir ainsi après. Comme n’importe quel salarié qui a besoin de retrouver du sens dans le travail, dans le télétravail et autres.

La Japonaise Naomi Osaka.
La Japonaise Naomi Osaka. REUTERS – CHRISTIAN HARTMANN

kadi

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Related post